Encore un bouquin de Roland Barthes que je n'ai pas lu, j'ai mis huit parce que ce chiffre prend une autre signification lorsqu'on l'allonge.
Cela dit, encore une fois je ne me sens pas tout à fait hors sujet, puisque si ce livre, fragments d'un discours amoureux, semble dire que l'amour est philosophie, je crois que le livre dont je veux encore parler (Roland Barthes par Roland Barthes, il va être temps que je fasse une liste de mes hold-up critiques sur cet auteur, c'est que j'avance dans son livre d'environ une page par semaine) aborde l'idée que le texte, quel qu'il soit, comme le cinéma, est politique.
Petit résumé entre dollars de ma critique précédente, qui présentait la libération en pensée de l'individu par le style littéraire :
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Il y a chez Barthes l'idée que la libération de l'homme passe d'abord par la libération du langage [et cela, on en parlera tranquilou après ce résumé, concerne aussi la libération politique].
L'idée d'un essai écrit par un personnage de roman qui refuse en ce qui le concerne tout adjectif, permet à Barthes d'avoir sur soi une totale liberté dans l'auto-critique, liberté de fond d'abord, et de forme ensuite en ce qu'il plonge son texte dans la fiction du style,
(liberté de fond et fiction du style qui trouvent en général une place privilégiée dans le roman, en quête du sybillin sublime)
les idées de l'essai alors s'accordent à son bon goût, ce que Barthes juge important, notamment parce que selon lui la fiction du style affranchit le texte de sa paranoïa réactive, et l'oriente vers le plaisir qui est davantage une proposition
(est-ce une manière de prendre Hegel aux mots, qui disait La beauté, c'est la promesse du bonheur?).
Dans cet essai de Roland Barthes, la limite admise de la pensée systémique de l'homme est soulignée par le choix de l'aphorisme, du "fragment", et de l'ordre alphabétique dans la succession des aphorismes, pour choisir une pensée discontinue en opposition active à une pensée totale.
Les idées surviennent, d'une manœuvre à la base autotélique, affranchie a priori de l'utile, affranchie en partie donc de la théorie, de l'idéologie, et des opinions politiques.
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Mais le texte n'est pas selon Barthes - de ce que je comprends d'un de ses aphorismes - et n'est peut-être jamais, apolitique :
"Son lieu (son milieu), c'est le langage : c'est là qu'il prend ou rejette, c'est là que son corps peut ou ne peut pas. Sacrifier sa vie langagière au discours politique? Il veut bien être sujet, mais non parleur politique (Le parleur : celui qui débite son discours, le raconte, et en même temps le notifie, le signe). Et c'est parce qu'il ne parvient pas à décoller le réel politique de son discours général, répété, que le politique lui est forclos. Cependant, de cette forclusion, il peut au moins faire le sens politique de ce qu'il écrit : c'est comme s'il était le témoin historique d'une contradiction : celle d'un sujet politique sensible, avide et silencieux (il ne faut pas séparer ces mots)."
Chaque texte fragment contient malgré lui une portée politique.
Par ailleurs, il y a une pensée derrière le choix de la pensée discontinue, comme nous le dit Claude Coste dans son article Roland Barthes par Roland Barthes ou le démon de la totalité :
"En effet, qu’est-ce que le fragment pour Barthes sinon le moyen de manifester son rejet de la totalité formelle, rhétorique, c’est-à-dire de toutes ces écritures du continu que sont le récit, le traité ou la dissertation ? Réfléchissant à sa propre poétique, Barthes exprime clairement ce refus d’une totalité factice, illusoire, et préfère le fragment, selon le mot d’ordre gidien, « parce que l’incohérence est préférable à l’ordre qui déforme »(« Le cercle des fragments », RB,p. 89)."
Il nait alors une posture ambiguë,
la pensée se libère dans le texte car elle y trouve un épanouissement, fidèle à son incohérence globale assumée, davantage logique dans le fragment qu'au delà,
elle se sait cela dit politique et s'impose en cela d'autant plus de rigueur dans la sincérité et la réflexivité, qui accouchent une forme de transparence active, sincérité et réflexivité intenable dans l'absolu mais plus facile à tenir dans la pensée discontinue, comme un horizon utopique
(et, je l'ai dit, sincérité et réflexivité dont la douleur intrinsèque trouve réduction, voir sublimation, dans la fiction du style).