Dans sa forme la plus moderne et la plus contemporaine qu'il soit, les concepts de création, de fabrication, d'avènement, d'émergence voire d'innovation recouvrent l'idée de transformation vers un Monde meilleur, une humanité évolutive et un univers plus cohérent humainement puisque répondant à la conception et aux idéaux que l'Homme se fait de lui-même. Cette approche repose grandement sur un processus de progrès. Ce qui doit être crée, doit l'être pour engendrer une phase en évolution par rapport au stade précédent. C'est une mise en contrainte. Ainsi, l'avenir de l'homme, ses espérances et ses craintes s'inscrivent dans cette phase d'évolution qui est censée sous tendre l'obligation de mise au travail pour faire émerger un processus de création dont l'objectif est de s'indexer dans un influx de progrès permanent. Dans ce contexte de contrainte du progrès vers un Monde meilleur en constante évolution, l'Homme se caractérise surtout par son obsession de la perfection, de l'idéal presque divin et se voit de ce fait comme un être sans limite, s'acharnant à corriger les imperfections de la nature humaine et animale qu'il considère comme décadente. Le roman de Mary Shelley nous révèle essentiellement cet aspect extrêmement cyclique de la nature humaine voulant transformer toutes phases de progrès et d'évolution en un cercle sans fin. Le schéma le plus caractéristique de cette volonté de transformer la nature en un cycle asservissant notre environnement et notre univers est le pouvoir divin d'insuffler la vie à toute chose inerte. Avec ce pouvoir d'asservissement et de création, l'Homme sans moral, sans éthique et sans foi révèle sa psychologie destructrice, désirant catalyser pour corriger. Annihiler des imperfections dites "naturelles". J'asservis ma nature, je la transforme parce qu'elle est imparfaite et décadente. C'est cette mentalité liée à l'obsession du progrès technico-scientifique que l'Homme se rend dangereux envers lui-même. Et c'est par ces notions d'éthique et de moralité essentielles à tout progrès scientifique que l'auteure est déjà considérée au début du XIXe siècle comme avant-gardiste. Tel un Prométhée, celui qui découvrit le pouvoir divin de créer, de fabriquer, d'émerger voire d'innover et aussi celui qui a su détruire, catalyser et asservir sa propre nature.