Frères de Tranchées
Voilà un ouvrage paru en fin d'année 2005, et qui fait écho au film de Christian CARION : « Joyeux Noël », également sorti fin 2005.
Mais ce livre va plus loin, pour la simple raison qu'il englobe le sujet des fraternisations à la fois parce qu'il prend place sur la quasi-totalité des théâtres d'opérations, et fronts, de la Première Guerre Mondiale, et parce qu'il offre un large panel de témoignages issus des différents protagonistes et camps du conflit.
Fruit du travail d'un collectif de quatre historiens, sous la férule de Marc FERRO , l'ouvrage se compose de quatre parties (hors Notes et Annexes), dont chacune est confiée à des historiens traitant les différents pays ayant eu part au conflit.
Nous avons ainsi :
- Rémy CAZALS pour la partie française.
- Malcolm BROWN pour le camp anglais.
- Olaf MULLER pour les fronts (Est et Ouest) allemand.
- Marc FERRO pour la partie russo-soviétique.
Aussi ce livre est-il un véritable travail d'historien, se dégageant de tout parti prit. Ce qui ce ressent au passage dans le style, faisant de cet ouvrage, par moment, un bon outil de travail pour universitaires, tant il est méthodique, rendant aussi la lecture parfois laborieuse.
L'ouvrage aborde le sujet des fraternisations entre soldats au travers d'une masse conséquentes de témoignages et tout particulièrement ceux issus des correspondances, des lettres aux familles, relatant une participation directe ou indirecte (ouï-dire, discussions entre soldats).
On ne peut par ailleurs qu'être impressionné au regard de ces témoignages, par le silence, confinant au mutisme qui a frappé la hiérarchie militaire et les historiens sur ce sujet en France. Les Fraternisations en temps de guerre étaient taboues, considérées comme des nuisances et des attaques directes au discours faisant du Bosch, un ennemi sournois, cruel, et qui n'hésiterai pas à trahir et tuer.
La situation est tout autre pour les pays anglo-saxons, russes, et allemand ou, pour chacun des pays avec une perception différente, les fraternisations furent depuis longtemps débattues et étudiées.
Au final cet ouvrage offre une compréhension plus vaste de ce thème, largement méconnu en France. En proposant d'aborder le sujet de façon multipartite, les auteurs mettent ainsi en avant le quotidien intensément gris, sauvage, cru et violent, la déshumanisation du combat et de l'attente intolérable des hommes dans des tranchées au prise avec la violence des éléments, ou par les bombardements intensif (rendant plus d'un soldat sourd ou fou), avant de remonter dans ce no man's land ou ils font se faire tuer.
Ils dénoncent l'avilissement des soldats provoqué par des hiérarchies militaires sclérosées, éloignées des théâtres d'opérations ; situation de laquelle découle cet élan, cet envie de redonner par moment (Noël surtout), un côté plus humain par des échanges de tabac, de cigarettes, de journaux, des parties de foot improvisées, des discussions animées et des chants.