Voici les mémoires de Scotty Bowers qui raconte comment, en s'installant à Los Angeles après avoir combattu pendant la Seconde Guerre Mondiale, il est devenu la coqueluche du tout Hollywood grâce aux faveurs qu'il accordait aux célébrités de l'époque, soit en donnant de sa personne, soit en faisant jouer son réseau de jeunes personnes prêtes à se prostituer, le tout depuis la station service où il travaillait.
Ces mémoires sont ponctuées bien évidemment d'anecdotes gratinées concernant ses illustres clients mais ce n'est pas ce qui m'intéressait avant de lire ce livre. La plupart des personnalités évoquées ont déjà fait l'objet de révélations depuis de nombreuses années, donc pas de scoops même s'il est vrai qu'il n'épargne aucun détail (mention spéciale à Charles Laughton et Tyrone Power). Par exemple, Kenneth Anger dans Hollywood Babylone s'en est donné à cœur joie en matière de révélations mais l'intérêt de Full Service c'est que les récits sont ceux d'un témoin direct (voire même d'un acteur), contrairement à Hollywood Babylone qui se contentait, pour caricaturer, de rapporter des potins. A vrai dire ce qui m'intéressait, c'est le parcours de cet homme et comment il en est arrivé là.
Avant d'aller plus loin, il est intéressant de préciser que Scotty Bowers ne se considère pas comme un proxénète, juste comme un intermédiaire, puisqu'il n'a jamais touché d'argent en mettant en relation ses clients et son réseau de prostitué.e.s. De plus, il s'agit de son autobiographie, il ne se contente donc pas d'enchainer les anecdotes, il revient sur son enfance dans l'Illinois, d'abord dans une ferme puis à Chicago, évoque sa famille, son expérience de la guerre et sa vie privée marquée par de nombreux drames (frère mort au combat, fille morte à la suite d'un avortement clandestin...).
Malgré tout ce livre me laisse une drôle d’impression. D'un côté c'est un témoignage sur une époque révolue, d'une forme de liberté sexuelle exceptionnelle pour l'époque mais admise parce qu'elle concernait le milieu hollywoodien et artistique, mais également un témoignage sur la fin de cette époque marquée par l'apparition du sida (Scotty Bowers a été actif des années 40 à 70) et de ce point de vue là c'est intéressant.
Maintenant est-ce que tout est vrai? Comment en est-il arrivé à faire ces révélations alors que toutes ces personnes lui faisaient confiance et qu'il avait justement fondé sa réputation sur sa très grande discrétion? Concernant ce dernier point, il donne une explication : vu le temps qui s'est écoulé certaines de ces célébrités ont été oubliées ou ont moins d'admirateurs...c'est un choix.
D'un autre côté, certains épisodes évoqués dans le livre sont malaisants. Ainsi, dans ses souvenirs d'enfance et d'adolescence, Scotty Bowers explique le plus naturellement du monde avoir subvenu aux besoins de sa famille en cirant des chaussures, en distribuant des journaux mais surtout en faisant des passes avec des hommes (notamment des prêtres) et qu'il n'y voyait aucun mal puisqu'il éprouvait du plaisir et qu'il gagnait plus d'argent qu'en cirant des chaussures ou en distribuant des journaux ...Il n'est pas nécessaire de chercher plus loin pour comprendre le parcours et la psychologie du personnage.