D'un style nettement plus noble que ses Bucoliques, Virgile traite en quatre livres de l'agriculture sous ses différentes facettes. Dans le premier livre qui nous évoque le poème d'Hésiode, Les Travaux et les Jours, le poète nous informe sur le métier de paysan, sur le calendrier des travaux agricoles et sur la météorologie ; au deuxième livre, dans une même teneur didactique, il s'attache à l'arboriculture, nous expliquant comment entretenir les arbres et les précautions à prendre dans la plantation de ceux-ci, à la fin de ce livre, il s'extrait de ce ton pédagogique pour entonner la gloire rurale : « Mais trop heureux aussi qui suit les douces lois Et du dieu des troupeaux et des nymphes des bois ! ». Si sa première intention dans ce recueil est évidemment de faire connaitre la vie agricole, nous pouvons regretter que Virgile ne se détache pas suffisamment de sa besogne pour magnifier son sujet, occasionnant une certaine lassitude chez le lecteur venu apprécier le talent virgilien.
Heureusement, les troisième et quatrième livres nous offrent un meilleur aperçu de son génie. Le troisième livre est consacré aux animaux, à leur élevage et aux soins qu'il convient de leur donner, mais cette partie se démarque par sa mélancolie, où Virgile nous parle de cette vieillesse qui nous glace et de cette mort qui nous moissonne, de cet amour destructeur qui nous chasse et nous harponne, de ces froids hivers que la nature abomine et de tous ces maux entrainant la ruine. Quant au quatrième livre, il le destine à l'apiculture, et cela nous persuade amplement des dons du poète puisqu'il arrive à charmer son auditoire en décrivant la vie trépidante des abeilles pendant la moitié du livre. L'autre moitié n'est pas sans rapport avec les abeilles puisque sous la forme d'un épyllion, Virgile raconte le mythe d'Aristée, dieu mineur lié à l'agriculture, dont les abeilles périrent suite à la vengeance d'Orphée : cette histoire, la manière dont elle nous est exposée, réussit à nous happer admirablement.
Pour finir, nous ne pouvions pas lire les Géorgiques en français avec une autre traduction en vers que celle de Jacques Delille, tant louée de son temps. On notera de manière parfaitement anecdotique qu'il fut surnommé Virgilius Delille par notre cher Voltaire, signifiant par là la fidélité remarquable de sa traduction à l'œuvre originale.