La bête humaine
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Première vertu de ce court roman, rappeler la non moins brève durée de l’épopée de Jeanne d’Arc : un an et demi séparent en effet l’apparition miraculeuse de la jeune bergère de son exécution sur un bûcher. Ainsi Jeanne est-elle rapidement éjectée du roman.
Seule persiste la trace que son âme a laissée dans celle de Gilles de Rais. Des traces qui le font basculer dans l’horreur : enlèvement de jeunes garçons, tortures, sévices sexuels, profanations. Un puissant mystère, que Blanchet, le confesseur de Gilles de Rais, tentera de percer en gagnant Florence, ville des lumières à l’aube de la Renaissance. Il y trouvera Prélat, qu’il ramènera en France. Un pays jugé aussi arriéré que frustre aux yeux du Florentin nourri aux subtilités de son pays. Les échanges avec Blanchet nous montre un Prélat volontiers scandaleux.
page 90 de l'édition Folio :
- C’est donc cela votre science moderne qui se nourrit de sang et d’ordures ! C’est la part du diable qu’on réserve, comme on fait la part du feu. Toute science n’est pas bonne, Prélat !
- Si ! Toute science est bonne ! L’ignorance, c’est le mal, purement et simplement.
- Il y a des secrets si majestueux que leur dévoilement anéantirait le malheureux dévoré par sa curiosité.
- La savoir donne le pouvoir. L’esprit, s’il a la force de découvrir une vérité, possède aussi la force de maîtriser cette vérité.
- Il y a des pouvoirs qui dépassent les capacités de l’être humain. Le pouvoir excessif rend fou. Qu’est-ce qu’un tyran ? C’est un souverain que son pouvoir a rendu fou.
- Parce que ce souverain était un ignorant. A chaque degré de pouvoir doit répondre un certain degré de connaissance. Ce qui est redoutable en effet, c’est un pouvoir illimité commandé part un esprit borné.
A méditer ! Car, comme Vendredi ou les limbes du Pacifique, best seller de Tournier que je me rappelle avoir étudié en classe, ce roman a une dimension philosophique.
Pour Prélat le mal et le bien absolus, incarnés respectivement par Gilles et Jeanne, ne sont séparés que par une frontière très mince : rien ne ressemble plus à Dieu que le diable. Une idée qu’on imagine scandaleuse pour l’époque. Pourtant, à bien y réfléchir, la foi est bien ce qui permet le meilleur comme le pire : le don de sa personne comme les meurtres les plus odieux. Jésus ou Hitler, tous deux relèvent de la foi. Et la frontière relève du jugement humain, chose éminemment fragile. Dans une langue précise, agréable, Tournier nous place face à cette question.
Lors de son procès, Gilles de Rais se montrera d’abord vociférant, terrible, puis implorant car mis à terre par une excommunication, enfin serein. Le mystère du mal, pour nous, reste entier.
7,5
Créée
le 11 nov. 2021
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