Les livres d’urbex apportent rarement des surprises : on sait qu’il y aura des photos d’endroits abandonnés et quelques textes autour. Glauque-Land ne déroge pas à la règle.

Une autre caractéristique de l’urbex, c’est un problème de vocabulaire : qu’on appelle exploration une activité qui implique en général une part relativement réduite de véritable découverte, qu’on la qualifie d’urbaine alors que l’écrasante majorité des lieux concernés se trouvent hors des villes, en tant que lecteur attaché au sens des mots, ça m’embarrasse toujours.

Et les urbexeurs – explorateurs urbains, pour ceux qui préfèrent ? Quand on pratique une activité qui, dans des proportions variables, relève entre autres de la photographie, de l’histoire et de la littérature, on s’expose assez fatalement à n’être ni tout à fait photographe, ni véritablement historien, et encore moins sérieusement écrivain.

Tel est le parti pris de Glauque-Land, telles sont aussi ses limites. À chacun des cinquante-sept lieux qu’il a sélectionnés, Timothy Hannem a choisi de consacrer quatre pages : une pleine page – le site internet de l’éditeur parle d’un format 19 × 24 cm – pour une photo, deux pages pour six à dix autres. Autrement dit, il ne s’agit pas d’en mettre plein la vue au lecteur, choix qui ne me paraît pas ridicule. Quant aux légendes, elles ne décollent pas vraiment : ainsi, près de photos prises dans une usine désaffectée, où l’on trouve du mobilier, des disquettes et autres fournitures laissées en vrac, une légende indique qu’« un peu partout, on trouvait du mobilier, des disquettes et autres fournitures laissées en vrac » (p. 56).


Mais ce qui distingue Glauque-Land des autres ouvrages du genre que j’ai eu l’occasion de feuilleter, c’est que pour chaque lieu, une page est exclusivement dévolue au texte : une présentation du lieu, mais aussi un extrait du journal – évidemment fictif – tenu par un ancien occupant. Là encore, j’applaudis l’idée ; pour le résultat, c’est... autre chose. Car dans les meilleurs des cas, on se retrouve avec un texte artificiel, finalement assez scolaire dans son style comme dans sa visée – il me semble que les programmes d’histoire du collège proposent ce genre d’exercices, si si... Qui écrirait, dans un véritable journal intime, « Je n’ai pas connu la guerre, j’avais 3 ans quand elle s’est terminée » (p. 77) ?

Écrivain est un métier, Timothy Hannem ne l’est pas – pas dans Glauque-Land, en tout cas. Comme il ne prétend pas l’être, on ne lui en tiendra pas rigueur. De même, il serait historien si l’histoire consistait uniquement à collecter et réunir des documents. Là encore, il ne semble pas avoir cette prétention.

En définitive, on se retrouve donc avec un ouvrage plutôt sympathique, aux allures de promenade : il n’y a pas véritablement de but précis, mais on s’arrête çà et là en fonction de ce qu’on voit, et on finit par passer un bon moment. L’auteur a, du reste, le bon goût de ne pas collectionner les lieux qu’il visite, ce qui est loin d’être le cas de tous les urbexeurs ; ça aussi, ça détend.

Alcofribas
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le 4 nov. 2023

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