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Glyphe
6.4
Glyphe

livre de Percival Everett (1999)

En créant le personnage de Ralph, un bébé au QI inouï qui a déjà tout lu et tout intégré, sauf -évidemment- une bonne partie de l’expérience humaine vécue puisqu’il est encore essentiellement dans son berceau et sur le pot, un bébé qui a renoncé volontairement à la parole et n’utilise que le langage écrit, Percival Everett peut tout se permettre et il ouvre de fait un espace immense de jubilation, de dérision et de réflexion.

Dès que les capacités extraordinaires de Ralph sont découvertes par d'autres que ses parents (son père ayant eu bien du mal à les reconnaître), il devient l’enjeu d’une compétition acharnée, kidnappé successivement par une psychiatre démente ayant découvert son QI pharamineux et trouvé en lui le moyen de sa reconnaissance, par les services de renseignement américains qui veulent l’utiliser à des fins d’espionnage, par un couple de mexicains en mal d’enfants et enfin par un prêtre à la pédophilie à peine refoulée.

Mais cette odyssée burlesque n’est pas tout, sinon ce ne serait pas du Percival Everett. Avec Glyphe, en juxtaposant les péripéties de Ralph et ses écrits, des scènes de la vie de ses parents (Douglas, un universitaire médiocre et prétentieux que Ralph appelle «Le bouffi», et qui, on le comprend, se sent mis en danger par son fils, et Eve, une artiste peintre peinant à percer), des dialogues imaginaires particulièrement savoureux entre des écrivains et des philosophes, et d’autres fragments du matériau universitaire linguistique et structuraliste qu’il côtoie quotidiennement, Percival Everett réussit le prodige de produire en même temps qu’une intrigue jubilatoire, une critique acerbe et follement drôle, même si elle est souvent opaque pour le commun des mortels, de la pédanterie intellectuelle, et une réflexion sur le langage toujours étincelante.

« J’étais assis sur le pot, sous les yeux de Rosenda – une bien triste configuration, mais je m’étais accoutumé à ce genre d’indignités. Assis, ignorant la jeune femme, je fermai les yeux et songeai à ma mère. Plus exactement, je songeai à Lacan, selon ma coutume lors de cette activité quotidienne. Cette fois-là, je considérai sa reformulation du complexe d’Œdipe. Si l’idée selon laquelle, en tant qu’enfant de sexe masculin, j’étais supposé m’identifier sans réserve à ma mère et à ses désirs dans une tentative pour compenser l’incomplétude qui fondait son être avait de quoi donner la nausée, pour le moins, l’étape suivante, autrement dit l’identification au phallus en tant qu’objet du désir de ma mère, processus qui revenait à faire de moi un effacement pur et simple, me retournait tout bonnement l’estomac. De sorte que le fait de considérer Lacan relevait d’un exercice facilitant la mission défécatoire. »
MarianneL
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le 26 févr. 2013

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MarianneL

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