Grandeur et décadence d'un parc d'attractions par MarianneL
Au fil de ces sept nouvelles de George Saunders, on découvre une Amérique en ruines, plongée dans la misère, la faim et la violence, ravagée par un désastre économique et écologique. On y croise des entrepreneurs minables au bout du rouleau, des êtres humains ayant muté à cause des polluants et produits toxiques qui ont tout envahi, et qui, boucs émissaires du chaos ambiant, sont exploités ou mis en esclavage par les « Normaux », et enfin des antihéros faibles ou lâches mais qui ont gardé un fond de candeur et de courage.
Ainsi, dans «Le PDG de 200 kilos», le narrateur est employé par une société dirigée par Tim, ancien meurtrier sadique et caractériel, qui prétend capturer et relâcher dans une nature idyllique les ratons laveurs qui envahissent les poubelles des classes moyennes, et qui en fait pratique le génocide desdits ratons laveurs. Le narrateur obèse est le souffre douleur de ses collègues. Ils multiplient les humiliations à son encontre, le traitant par exemple de puceau en phase terminale ; lui fantasme sur Freeda, une de ses collègues que visiblement il répugne. Après une ultime humiliation et devant une violence insoutenable, il va finalement se rebeller contre Tim. Mais, dans le monde sans espoir (mais non sans humour) de George Saunders, cela ne suffira pas à faire de lui un gagnant.
« Maintenant, je suis cerné par des tarés. Et moi aussi, je ne suis pas net. Je vais jusqu’à dire aux ratons laveurs de se comporter en hommes. Chaque fois que je parle à un inconnu, il a droit à un discours long et chiant sur mon poids. Je reluque les vendeuses. Je fais demi-tour pour ramasser des pièces dans le caniveau. Quand je suis seul, je farfouille dans mes oreilles et examine ce qui en sort.
Je suis énorme.
Je suis terrifié par l’amertume qui me guette. »
Cette société qui a totalement perdu les pédales tente de maintenir des apparences avec des attitudes normées, des sectes ou des organisations institutionnalisées aux buts et aux noms absurdes, telles que la Respiration Spéciale Apaisement de la Haine, l’Église de la Juste Humilité et son Conseil National des Culpabilisateurs, ou encore le Centre des Nonnes Inconstantes.
Au-delà de l’humour dévastateur de George Saunders, ce qui fait mouche est que ce futur en décomposition, qui tourne en dérision le rêve américain, n’est pas si éloigné de la médiocrité de la société occidentale actuelle, avec ses bonnes intentions, ses valeurs morales et ses institutions placebos qui masquent mal le manque de vision pour échapper au pire.