J’aime beaucoup cette collection des Découvertes Gallimard et ce volume sorti en 1994 est consacré aux acteurs et actrices du cinéma français de 1929 à 1959, ce que les auteurs nomment à juste titre "les Trente Glorieuses du cinéma français". Il est signé par Olivier Barrot et Raymond Chirat. Il permet de retrouver des artistes qui ont marqué les mémoires au moment où le cinéma devient parlant et le 1er moyen de distraction populaire. Forcément on y croise les Gabin, Darrieux, Fernandel, Jouvet, Morgan ou encore Signoret, ces « monstres sacrés » dont on se souvient encore des chefs d’œuvre (Quai des Brumes, Casque d’Or, le Corbeau, Le Jour se lève, Hôtel du Nord…). Certains réalisateurs avaient d’ailleurs du mal à voir en eux autre chose que de simples instruments à leur service : lisez l’extrait des mémoires de Paul Meurisse dans les annexes, sur le tournage des Diaboliques en 1954. Il affronte Henri-Georges Clouzot de façon assez sèche, pas décidé à se laisser marcher sur les pieds ! Ce dernier trouvait qu'il ne faisait pas le mort de façon assez convaincante (les fameux yeux blancs dans la baignoire! Une scène mythique). Mais rien à faire, après plusieurs essais, Meurisse ne réussit pas à avoir les yeux révulsés...Clouzot lui sort alors que Cécile Aubry, elle, sait le faire. Meurisse pense à une blague et éclate de rire...Ca n'en était pas une. La réponse de l'acteur au réalisateur est cinglante: "Il vaut peut-être mieux avoir du talent que de savoir révulser ses yeux!". L’équipe technique autour de lui se fait toute petite, impossible de parler sur ce ton à Clouzot !!! Mais ce dernier a cédé et Meurisse a porté des lentilles. Clouzot ne lui a plus jamais adressé la parole qu'indirectement en l'appelant "il", "pour bien marquer la distance entre la tête pensante et l'exécutant" nous dit Meurisse. Au-delà de ces vedettes, j’ai découvert des acteurs et actrices que je ne connaissais pas comme Gabrielle Dorziat ou Jean Tissier. Bien sûr, l’Occupation a divisé les artistes sur l’attitude à avoir face aux Allemands, certains s’en accommodant parfaitement (Robert le Vigan, Arletty, Corinne Luchaire, pour ne prendre que quelques noms, et qui seront condamnés à la Libération, leur carrière étant brisée). Et puis, à la fin des années 50, on voit apparaître une nouvelle génération d’artistes, Belmondo, De Funès, Moreau, Delon, Girardot, Trintignan, qui allait dominer le cinéma français pendant plusieurs décennies. L’ouvrage est très agréable à feuilleter, l’iconographie est soignée et le papier de qualité. Je suis plus réservé sur le texte, synthétique puisque c’est le format court qui le veut, mais qui vire souvent au catalogue de noms, des listes avec quelques lignes sur tel(le) ou tel(le) artiste. C’est dommage. Mais il donne franchement envie de revoir Les Enfants du Paradis, les Visiteurs du Soir ou encore La Main du Diable (chef d’œuvre du fantastique français avec Pierre Fresnay). Le plaisir à revoir ces films reste aujourd'hui entier. Joli petit survol pour les néophytes mais les cinéphiles resteront sur leur faim.