Dans ce livre paru en 2010, et traduit en français en 2011 par Bernard Lortholary pour les éditions Gallimard, Hans Magnus Enzensberger, écrivain aux talents multiples, poète, essayiste, romancier et dramaturge (entre autres), s’empare d’un personnage méconnu de l’histoire allemande, Kurt von Hammerstein (1878-1943), le général qui dirigeait l’armée de terre allemande au moment de la prise de pouvoir d’Hitler, pour aborder enfin le sujet de l’Allemagne nazie.
S’appuyant sur des photos, documents, correspondances, des entretiens avec les survivants, mais aussi sur des conversations imaginaires avec les disparus, «Hammerstein ou l’intransigeance» est un récit aux multiples facettes, entre enquête et essai, qui laisse apparaître l’histoire de l’Allemagne des années 30 et 40, au travers du destin si singulier de ce général issu de l’aristocratie prussienne, et de sa famille – son épouse et ses sept enfants.
«Un jour qu’on lui demandait de quel point de vue il jugeait ses officiers, il dit : Je distingue quatre espèces. Il y a les officiers intelligents, les travailleurs, les sots et les paresseux. Généralement, ces qualités vont par deux. Les uns sont intelligents et travailleurs, ceux-là doivent aller à l’état-major. Les suivants sont sots et paresseux ; ils constituent 90% de toute armée et sont aptes aux tâches de routine. Celui qui est intelligent et en même temps paresseux se qualifie pour les plus hautes tâches de commandement, car il y apportera la clarté intellectuelle et la force nerveuse de prendre les décisions difficiles.»
Homme distant et taciturne attaché à sa classe, fin stratège sans doute lui-même légèrement paresseux, Hammerstein impressionne par son recul, ses silences, et par la sûreté de son jugement. Il voit ainsi dès les années trente le risque de défaite de l’Allemagne dans un conflit qui l’opposerait à la Russie.
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