Happy birthday grand-mère par Aleth
C'est la quatrième de couverture qui en premier lieu, m'a attiré l'œil. En quelques lignes, on se figure avoir affaire à la réincarnation de Tatie Danielle, on s'imagine une vieille bique martyrisant à souhait ses proches. Ici, l'âgée demoiselle se prénomme Éléonore, est bâtie pour atteindre les cent ans, et fête aux premières pages du roman ses 80 ans, engoncée dans un fauteuil roulant. Devenue hémiplégique deux ans auparavant, les seules armes dont elle peut encore se vanter sont les crachats, la bave, le refus obstiné à ses héritiers de mourir, et les regards noirs.
Tout un programme, donc. Un sourire amusé me donne envie de pousser plus avant ma lecture, même si l'impression de déjà lu persiste.
Rapidement entrent en jeu la fille et le gendre Éléonore, qui s'ils semblent soucieux de sa santé sont surtout (em)pressés de la voir s'éteindre, afin de récupérer leur leg. Et si pour parvenir plus rapidement à leurs fins, il faut rendre la vie impossible à une personne âgée, et bien... Allons-y. Tous les coups sont permis.
Jouons à celui qui rira le dernier, qui vivra le plus longtemps, aux petits meurtres en famille.
L'intrigue est d'une simplicité folle. A mes yeux, c'est de son cynisme que provient tout son charme. Je m'attendais à découvrir une simple comédie, j'ai ouvert ce roman avec l'idée de passer un bon moment, comme on ouvre un magazine sur la plage ou une histoire d'été... J'ai donc été plus qu'agréablement surprise de constater que Valérie Saubade valait bien plus que cela. Derrière le prétexte de la comédie facile se cache une analyse fine des rapports étranges qui peuvent se tisser au sein d'une famille. Rien n'est jamais si évident qu'il n'y paraît.
Une vieille dame qu'on prend rapidement en pitié peut nous ouvrir la porte de ses pensées et nous dévoiler son égoïsme d'antan, son narcissisme, son carriérisme et son manque d'instinct maternel. Et si ces confidences semblent amener au jugement, il n'en est rien, elles sont à peine plus qu'ébauches d'explications. Tout est en nuances, en cruautés douces. Un affreux couple vicieux peut nous en apprendre sur les blessures rebelles, héritage d'un manque d'amour que rien n'est jamais venu combler.
L'auteur nous emmène au fil des pages dans un ouvrage qui s'il fait rire, fait aussi grincer les dents et se pincer le cœur. L'humour est présent, permanent. Mais il est surtout acide, piquant. Délicieusement sadique, en somme.
Les descriptions, de l'un par l'autre, menées -qui sait- par l'animosité peuvent entraîner la nausée de qui n'y prend pas garde. La lointaine beauté d'une vieille dame paraît sentir la naphtaline, son visage ravagé par la paralysie réussissant à se faire oublier par ses coquetteries, là où le corps trapu, suintant, variqueux d'une fille jamais aimée tend à nous écœurer, nous amenant au haut-le-cœur à l'idée des coïts qu'elle entreprend avec son non moins séduisant mari.
Happy Birthday Grand-mère !, où comment manier le drame et l'humour sans jamais verser ni dans le mélo, ni dans la facilité. Un pur régal.