Jalon mémoriel

On ouvre sur le discours dans lequel Chirac rend hommage aux harkis le 25 septembre 2001.

Le livre collecte des témoignages qui appuie la plainte déposé par l'auteur, avec l'aide de deux avocats, pour faire reconnaître le sort des harkis comme un crime contre l'Humanité. L'auteur ajoute, dans un dernier chapitre, ses souvenirs de jeune fils de harki au camp de Bias, à côté de Villeneuve sur Lot.

L'ouvrage ne prétend pas avoir une portée scientifique : ce sont des compilations de témoignages accablants. Dans l'annexe documentaire, il y a quelques affirmations contestables, notamment le doc. 10, censé établir "clairement qu'un plan d'extermination des harkis avait été envisagé". Le document dit simplement : "les enfants seront scolarisés. Ce résidu ne disparaîtra que par extinction". Je comprends tout à fait que l'auteur ait été choqué de la formulation particulièrement administrative et inhumaine, mais de là à incriminer l'Etat français.

Pour résumer, c'est un ouvrage qui se situe sur le plan de la mémoire plus que celle de l'Histoire, mais ce qu'il fait est important. Il a tapé dans la fourmilière pour faire ressortir une double mauvaise conscience :
- Mauvaise conscience, encore aujourd'hui niée, de l'Algérie de l'indépendance, sous la coupe du FLN, qui a massacré en public des centaines de milliers de harkis dans des conditions de sauvagerie qui ne peuvent amener que la compassion. C'est l'épuration sauvage de la Libération, mais puissance mille.

• Mauvaise conscience de la république, qui entre l'armistice du 19 mars 1962 et le départ des troupes françaises à l'été a fait désarmer les harkis, toujours par ruse (en prétextant une inspection des armes), et leur a refusé dans une immense majorité de cas l'asile en France. Pour l'auteur, la France a été le juge, et le FLN le bourreau. En échange de ce lâchage de 500 000 harkis, la France obtint, en secret, des avantages économiques et militaires en Algérie. Mauvaise conscience, aussi, de l'enfermement dans les camps à l'arrivée, qui continuera jusqu'en 1975.

Ce n'est vraiment pas l'ouvrage scientifique définitif sur la question, mais c'est un ouvrage qui, par sa demande de justice, a impulsé une démarche importante. Il montre bien aussi les écueils : le fait que les successeurs du FLN ont aujourd'hui besoin des harkis comme d'un épouvantail pour cacher leurs échecs ; le fait que la France refuse à reconnaître sa responsabilité si l'Algérie ne reconnaît pas ses torts dans le même temps.