Ici vous pouvez spoiler !
L'intrigue est campée dans une ambiance tendue : Harry n'est plus le survivant admiré de tous, il est ce menteur à moitié fou rejeté par le système et l'oppression publique. Ce roman explore davantage le système politique de l'univers, en montrant ses limites et son autoritarisme : propagande active avec la Gazette acquise à la cause de Fudge, l'arrivée d'Ombrage à Poudlard pour contrôler l'éducation des étudiants, etc. La critique politique d'un système en apparence démocratique permet une piste de réflexion intéressante sur le fonctionnement d'une démocratie confrontée à la guerre : le déni de Fudge rappelle celui des leaders européens en 1939. La tension monte durant tout le livre, la fin semble inévitable et pourtant le dénouement final fait l'effet d'une grande bourrasque. Pour la première fois, Harry découvre, en même temps que le lecteur, ce qui fonctionne mal dans un monde qu'il admire. Harry passe également de leader malgré lui à leader actif : l'armée de Dumbledore marque une volonté du jeune homme d'affirmer encore plus qu'il n'est pas d'accord. On sent que la construction d'un contre-pouvoir se met peu à peu en place, en même temps que le passage d'une génération à une autre : désormais, les jeunes sont prêts à se battre. Voir ces adolescents intimement convaincus de se battre pour une juste cause rend la lecture d'autant plus excitante : nous aussi, on aimerait se rendre dans la Salle sur Demande en cachette...
Ce roman, c’est aussi celui où Harry construit véritablement son identité : il prend conscience de ses limites, de ses côtés plus sombres qu'il ignorait jusque là... Harry n'a jamais été aussi proche que Tom Jedusor, son Némesis, et pourtant, il ne nous a rarement semblé plus humain. L’abandon progressif de Dumbledore, la mort de Sirius, l’apprentissage du passé de son père le font veritablement passer de l’enfance à l’age adulte. Harry prend son indépendance, apprend à se détacher de ceux qu’il considérait comme des modèles pour construire sa propre personnalité : il ne sera pas une pâle copie de James, il n’aura pas la fougue emportée de Sirius, ni le pragmatisme froid de Dumbledore. Il sera Harry.
L’atmosphère globale, enfin, est plombee par un long deuil, celui de Cédric Diggory,
accompagne de nombreux personnages au fil du roman. JK Rowling décrit très bien le traumatisme de la mort d'un innocent sur un adolescent comme Harry, ou sur Cho, son ancienne petite amie.
Finalement, le meilleur des romans selon moi : une atmosphère tendue et poignante, une fin fantastique et épique, les interrogations de Harry et la plongée dans les recoins les plus sombres de sa personnalité, ce livre énorme (1000 pages) ne tient que sur un fil : à chaque ligne, on sent que tout va s'effondrer, mais l'équilibre précaire que campe la fin ne fait que retarder la chute. Le rythme haletant rend, enfin, ce roman si long assez court, et on redemande même à la fin.