Le début est plus chargé – en termes d’éléments d’intrigue – que dans les tomes précédents, qui avaient tendance à commencer doucement et à poursuivre crescendo. Il faut montrer qu’on est passé aux choses sérieuses ; les Moldus aussi sont menacés. Aux gentils déguisements des premiers volumes succède aussi la véritable clandestinité, qui n’est jamais seulement une question d’apparences : l’Occlumancie, la Salle sur demande font leur apparition dans l’Ordre du Phénix et ce n’est pas un hasard. (L’Occlumancie a aussi le mérite de rendre le personnage de Rogue vraiment problématique.)
Ainsi l’aventure « pure » des quatre premiers romans s’entremêle-t-elle ici doucement de dystopie. Jusqu’ici, le fonctionnement du château de Poudlard l’assimilait à une douce utopie gentiment victorienne, à un vase clos qui présentait le danger sous ses formes bénignes (les heures de retenue) ou folkloriques (Peeves, Rusard…), quand il n’était pas physiquement caché (la Pierre philosophale, la Chambre des secrets…) ou tenu à l’écart (la forêt, le Tournoi…). Avec l’Ordre du Phénix, l’école n’est plus à l’abri d’un péril devenu beaucoup plus pernicieux en devenant faussement rassurant, authentiquement progressif et presque irrésistible.


Sur ce point, la mère Ombrage est assez bien réussie. Je ne pense pas qu’un lecteur de quinze ans ait idée du nombre de punaises, D.R.H., chargés de mission, managers ou (sous-)directeurs de quelque chose, semblables à elle, qui, dans le monde réel des Moldus (ministères, entreprises, rectorats, n’importe quelle organisation sociale en général…), exercent leur pouvoir de nuisance dans l’espoir trop rarement déçu d’en être récompensé.
Il me semble aussi que le discours et le comportement d’Ombrage donnent au personnage d’Hermione une épaisseur qui lui manquait dans les trois premiers tomes – et qui manque toujours à Ron… lequel est épais dans un autre sens du terme. Dès le discours de rentrée, non seulement Hermione écoute ce que dit Ombrage, restant en cela fidèle à son personnage de bûcheuse sérieuse, mais elle comprend ce que veut dire cette nouvelle enseignante s’exprimant « comme une femme d’affaires » (p. 254).
Je crois que c’est ce qu’il y a de plus intéressant dans Harry Potter et l’Ordre du Phénix, plus intéressant en tout cas que les vagues histoires d’amourettes à la guimauve qui commencent à prendre de l’importance, et que les considérations psychologiques pour adolescents qui pourrissent les deux ou trois derniers chapitres. Quant à l’intrigue, elle m’a clairement semblé un prétexte, un truc mis en place pour caser le maximum d’éléments avec la ligne directrice la plus mince possible.
Après les thèmes de l’Élu, du Secret resurgi, de l’Innocent persécuté et du Faible contre le Fort, il ne manquait plus que celui de la Prophétie pour compléter le bingo de la fiction fantasy.

Alcofribas
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le 23 juin 2020

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Alcofribas

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