Dans cette œuvre inédite, Frank Herbert décrit une sorte de démocratie absolue, où toute proposition de loi est soumise à un vote sur une partie représentative (choisie au hasard, chaque fois différente) de la population mondiale. Vote qui est donc semblable à un sondage d’opinion : d’où le « opp » du titre. Vote qui, comme tout sondage, peut évidemment être détourné : le pouvoir réside alors dans la formulation correcte des questions…
Premier point frappant : ce futur imaginé avant les années 1960 par Herbert où le sondage est le socle social élémentaire semble toujours aussi pertinent. Aujourd’hui les sondages pullulent dans la presse, et ont acquis une importance presque capitale dans l’exercice de la politique. L’explosion d’internet et des réseaux sociaux a aussi été suivi d’une surmultiplication des avis, exprimés à tout bout de champ, en billets de blogs ou en 140 caractères. La science-fiction est une littérature prospective, et Frank Herbert – qu’on savait déjà avoir, entre autre, tout compris de la raréfaction des ressources et des problématiques écologiques – en était un maître : c’est ce que nous réaffirme « High-opp ».
Deuxième intérêt du roman : l’écriture de Frank Herbert, ramassée et complexe, qui avance à coups d’ellipses impulsant un rythme remarquable au roman. Herbert est toujours aussi virtuose lorsqu’il s’agit de décrire des confrontations et des manipulations, par l’usage des voix intérieures notamment. « High-opp », aux nombreux retournements de situations, se lit d’une traite.
Enfin, voire surtout pour les nostalgiques de « Dune », on retrouve dans « High-opp » les prémices des chefs-d’œuvre futurs de Frank Herbert. Citons par exemple la manipulation secrète d’une population pour sa sauvegarde, l’échec de ce plan imperturbablement rationnel à cause des émotions… Lire « High-opp » c’est découvrir la genèse de son œuvre future, et cette lecture est passionnante. Elle est d’ailleurs développée dans une excellente postface de Gérard Klein, très éclairante sur l’intérêt de ce roman.