Bon petit bouquin à parcourir si on veut se remettre les idées en place avant les prochaines polémiques qui ne manqueront pas de refleurir sur le sujet quand le virus nous lâchera les baskets. C'est un "Que-Sais-Je?", c'est -à dire un concentré d'infos, pas toujours ultra digeste je dois dire, mais qui fait le travail en présentant ici le développement historique des concepts autour de la laïcité, ainsi que la lente mais inexorable avancée des lois. L'auteur, Jean Baubérot, structure son approche autour de ce qu'il appelle des "seuils de laïcisation" qui sont apparus depuis 1789. Il en compte trois.
Le premier seuil est atteint quand s'achève la période révolutionnaire de 1789 à 1808. Ses éléments sont une reconnaissance des différents cultes existant en France, la fin de la dominance de la religion sur tous les aspects de la vie (apparition par exemple du corps des médecins, du corps enseignant, renforcement de l'administration...) et en même temps la reconnaissance continue du rôle socialisant de la religion.
Le XIX siècle bâtit lentement mais surement le deuxième seuil, qui est atteint lors de la Séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905. Ses éléments en seront : la religion doit s’inscrire dans le mouvement des "associations" , les principes religieux moraux n'ont plus d' "objectivité socialement reconnue" (ces principes ne seront ni imposés ni combattus par la puissance publique) et enfin les différents cultes voient leur exercice publiquement garanti.
Enfin un troisième seuil de laïcisation est atteint dans les 30 dernières années. Ce seuil verra les grandes institutions comme la science ou la puissance publique perdre du poids face à l'individuation de la société, laissant de la place à une émergence croissante d'un discours autour de "la différence" qui attise parfois l'appartenance à une communauté non nationale ou religieuse. Baubérot note aussi que les dernières années ont vu la laïcité être curieusement appropriée par l’extrême -droite, car étant de plus en plus liée à l'Islam et non plus comme dans le siècle précédent au catholicisme, un phénomène qui brouille les cartes pour la gauche laïque notamment.
J'ai bien aimé l'exposition du problème que fait ce livre, qui fait bien la différence entre la sécularisation de la société entamée depuis les Lumières et toujours en cours (j'espère), et la laïcisation qui est la redéfinition de l'espace des cultes au sein de la société civile. L'ouvrage décrit bien le développement de l'Ecole publique, du débat qui l'entoure, il appuie sur l'anticléricalisme de la III° République à partir de 1880, ou encore la prégnance du conflit des Deux France au cours de notre histoire. On y apprend plein de choses: je ne savais pas (ou plus?) par exemple que notre pays était devenu constitutionnellement laïc en 1946, ni que certains pays colonisés avaient demandé la laïcité pour eux-mêmes mais qu'elle leur avait été refusée pour cause de compétition avec les missions protestantes. Ou encore l'influence des idées américaines ou anglaises sur l'écriture de la loi de séparation.
Bref, c'est touffu, tout à fait édifiant et remet les idées au clair. La loi de 1905 est une précieuse avancée de notre pays et en connaitre les origines me rassure aussi sur sa pérennité. Amen :-) Je recommande, folks et folksettes!