Le livre se perd un peu dans le dernier tiers ; il radote, et le programme architectural de la radicalité et l'anarchisme vs le social libéralisme est lassant de vanité et de banalité.
Pour le reste, c'est un pamphlet très savoureux, cinglant et irrésistiblement ricaneur, extrêmement drôle dans le portrait culturel, comportemental du bourgeois cool, et le diagnostic de l'esthétique de ce dernier est assez souvent juste.
A une limite près : Bégaudeau sous-estime la subtilité de la bourgeoisie, parfaitement capable d'intégrer les goûts de l'auteur (Antonioni, Conte d'été). Combien de fois, en effet, j'ai pu voir des normaliens partager à l'envie sur Facebook des photos du Désert rouge (Monica Vitti, icône du chic rétro récupéré par les bourgeois, tendance dont se pâme l'écrivain) ou du feu d'artifices final de Zabriskie Point.
De la même manière, le portrait de l'intellectuel bourgeois macroniste est déjà un peu daté : les "normaliens bourgeois" dont parle Bégaudeau n'ont plus aucun scrupule - moyennant une inconsistance de classe flagrante - à prôner l'abstention au second tour de 2022, rejoindre les Black Blo en manif, refuser Uber Eats... Le vestiaire anar et radical dont Bégaudeau entend jalousement conserver la clé n'est peut-être pas si hermétique à la bêtise et à l'infiltration qu'il aimerait le croire.
Mais bon malgré tout, et en dépit d'une relecture visiblement négligente des correcteurs, je me suis bien amusé. Et ai reconnu quelques personnes dans ce "tu", partiellement.