Drôle et émouvant.
Au départ, le personnage central d' "Histoire des larmes", un petit garçon, déjà fanatique de lecture avant de savoir lire, tente à quatre ans d’imiter Superman, en se jetant, costumé dans l’habit de son super-héros, au travers d’une porte vitrée.


Premier volume de la trilogie d’Alan Pauls (précédant "Histoire des cheveux" et "Histoire de l’argent"), "Histoire des larmes" est, comme les deux autres, une exploration de la première moitié des années 1970 en Argentine, cette période d’espoir et de rêves de révolution, ensuite déçus avec le retour de la dictature militaire en 1976. Sous-titré "Un témoignage", cette histoire est vue, de côté, à travers le parcours familial, et politique, d’un enfant et d’un adolescent.


Dans ce récit néanmoins, le cœur de la douleur et des larmes n’est pas en Argentine, mais en septembre 1973, au Chili, alors que le narrateur, maintenant adolescent, est devenu un lecteur assidu de la littérature marxiste et de la presse révolutionnaire.


«À quatorze ans il donne déjà libre cours à une rapacité marxiste qui dévore tout sur son passage : Fanon, Michael Löwy, Marta Harnecker, Armand Mattelart, le couple Dorfman-Jofré, qui lui enseigne à quel point Superman, l’homme d’acier qu’il a toujours idolâtré et idolâtre encore, dans cette sorte de seconde vie légèrement déphasée qui court parallèlement à celle dans laquelle il s’use les yeux pour se former à la pensée révolutionnaire latino-américaine, est en réalité incompatible avec cette vie, en est l’un des principaux ennemis, un ennemi déguisé et donc mille fois plus dangereux que ceux qui laissent leur uniforme les trahir comme tels – tels ces tortionnaires, sans chercher plus loin, qui, à Santiago, mettent le feu au palais de la Moneda, passé de siège du gouvernement à tombe du socialisme à la chilienne, car la catastrophe a eu lieu il y a seulement un an, elle est encore toute fraîche.»


Lui, si proche de la douleur, pleurant au moindre prétexte en présence de son père lorsqu’il était enfant, est devenu précocement un être trop lucide, pas un super-héros mais un homme incapable de pleurer, même en ce 11 septembre 1973 devant les images du palais de la Moneda en feu.


Virtuoses, les phrases d’Alan Pauls ont la force des grandes vagues, entremêlant la fiction familiale, les sentiments intimes et l’histoire argentine. Une lecture nécessaire.

MarianneL
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le 2 nov. 2013

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