Beau projet quelque peu flingué par sa radicalité brouillonne....

Voilà un bien étonnant bouquin. Son sujet est une excellente initiative : redonner du crédit à tous les artisans, mineurs, navigateurs, commerçants, inventeurs qui ont façonné la Science sans que l'histoire ait retenu leurs noms. Et d'emblée, Richard D. Conner se place sous l'égide du grand historien Howard Zinn, qui avait écrit une superbe et célèbre histoire populaire des Etats-Unis. Mais n'est pas Zinn qui veut...

C'est un bouquin qui démarre très fort , en nous montrant que les hommes de la préhistoire, loin d'être les esclaves fourbus de leur quête de nourriture, avait su acquérir des connaissances vastes et ordonnées de la nature. Conner nous démontre à quel point les Occidentaux qui découvraient les nouveaux horizons ont pu s'appuyer sur les connaissances des natifs en termes de navigation astrale, de minerais, de cartographie ou de plantes médicinales. J'ai beaucoup aimé cette partie du livre, même si le sujet s'évapore un peu sous l'absence de données brutes...

Autre mythe que souhaite exploser l'auteur, c'est la "soudaine" apparition de la science en Grèce. Conner est convaincant dans sa démonstration que la science grecque n'est que la continuation de savoirs chinois, macédoniens, égyptiens et autres, savoirs qui pré-existaient de loin au fameux "miracle grec" . En fait il va aller jusqu'à critiquer sévèrement ces penseurs grecs car Il y voit le début de cet élitisme théorique qui va régner sur les sciences. L'indignation de l'auteur va aller crescendo et à partir de Galilée ( cet opportuniste!), Brahé (cet aristocrate !) , et Newton, Conner va s'offusquer de ce que ces "grands hommes" aient en fait construit leur célébrité sur la mise en théorie des savoirs populaires. La montée en puissance des académies de science en Europe est bien présentée et surtout fort critiquée, encore pour son élitisme .

C'est là que ce livre dérape doucement d'abord , puis franchement. Dans son empressement à nous démontrer l’exploitation des petits par les élites, Conner en vient à nous parler d'une "bohème scientifique" qui nous porte à considérer l'histoire du ... mesmérisme... Le ton monte contre les puissants et voilà que la science du XX° siècle passe entièrement à la trappe !! Et pour cause : la science moderne se joue dans ces établissements détestés que sont les universités et à un niveau théorique qui déplaît à notre auteur. L'apparition du complexe militaro-industriel et de la CIA ne se fait pas longtemps attendre, et le livre finit en roue libre dans une tentative amusante de faire Steve Jobs un révolutionnaire face aux méchants scientifiques .... Bon...

Je vous recommande la lecture de cet ouvrage qui est rafraîchissant par l'insolente remise en cause de ces génies qui nous sont toujours présentés comme des phares brillant dans l'obscurité. L'humanité est moins obscure qu'on ne le croit.. Si vous ne vous laissez pas agacer par un discours idéologique de plus en plus flagrant et par l'étonnante absence du XX° siècle dans une histoire mondiale des sciences, alors vous avez pas mal de choses intéressantes à y glaner ! :-)

PS ; si le sujet des oubliés de la science vous intéresse, consultez avec profit les ouvrages de Nicolas Witkoswki !
nostromo
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le 28 déc. 2014

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