L'auteur décide d'écrire ce livre de nouvelles en visitant l'ancien camp de concentration de Bergen Belsen. En marchant entre les fosses communes, il essaye de trouver un indice de la localisation de la tombe d'Anne Frank dont le journal l'a beaucoup touché. Mais impossible de trouver la moindre marque, l'anonymat et l'oubli sont les maîtres mots de l'endroit. Il se rend compte que ces deux concepts sont les outils les plus forts des différentes dictatures, effacer le souvenir des hommes est plus fort encore que la mort. En continuant sa promenade il remarque une pierre sur laquelle un ancien détenu a gravé une phrase qui va le marquer au fer rouge " J'ai été ici et personne ne se souviendra de moi". Ces quelques mots lui font plus d'effets que tout les livres qu'il a pu lire dans sa vie et tout les tableaux qu'il a pu voir. Il se sent alors le devoir impérieux de rendre justice à cette personne, en nous faisant partager les destins extraordinaires de personnages qui n'avaient comme ambition que celle d'être libre. Ainsi on découvrira un véritable Robin des Bois hollandais, connu dans l'histoire locale mais dont les actes n'ont pas encore passé les frontières, comme beaucoup de courageux qui ont défié des lois iniques, il a connu une triste fin. Sa tête a été mise à prix et il a fini par être capturé et décapité, cependant il a demandé que pour chaque pas qu'il fasse une fois sa tête à terre, un de ses hommes soit gracié. Douze personnes se sont vues sauvées d'une mort certaine suite à ce petit miracle. On découvre aussi le sort d'un certain Fritz Niemand, dont le patronyme signifie "personne" en allemand, ce qui va malheureusement résumer une grande partie de sa vie. A sept ans il fut capturé par la Gestapo, et ne pouvant parler devant l'horreur de la situation, on le considéra comme un débile mental, il fut donc utilisé pour diverses expériences médicales où il perdit notamment l'usage de la vue. IL fut assez fort pour ne pas succomber aux nombreux mauvais traitements qu'on lui fit subir. Quand vint l'heure des comptes, il était à tout les procès pour demander justice. Il parvint même à identifier à la voix l'un des médecins qui l'avait castré, et dont le passé nazi avait été démontré. Cependant, sa cécité l'empêchait de devenir témoin à charge. A ce que l'on sait, il se bat encore aujourd'hui pour que justice lui soit rendue. Ces deux-là ne sont que des exemples de la trentaine de héros de tout les jours qui nous sont présentés dans les très courtes nouvelles de l'ouvrage.
Sepulveda dans ce recueil des nouvelles entreprend de faire ce que l'on appelle un devoir de mémoire, entreprise louable s'il en est, et à son avis l'essence de tout écrivain. Les premières pages m'ont plutôt plu, j'y ai retrouvé un style plutôt poétique qui me rappelait Borgès. SI j'ai choisi ce livre c'est surtout pour la couverture, une photo sepia d'une petite fille qui tend son verre à un corbeau, et le titre en bleu marine, Histoires marginales. Je m'attendais à du fantastique, à du Poe (peut-être à cause du corbeau). Et ce n'est pas du tout ce que j'y ai trouvé. Je ne peux décemment pas critiquer le contenu du livre, mais il est loin d'être marginal. Sepulveda en effet nous tient plus ou moins ce discours : les dictatures c'est mal, les nazis sont méchants, il faut protéger la nature comme les forêts d'Amazonie et de Patagonie et aussi les baleines, embêter les peuples sauvages c'est pas cool... En gros il nous fait un petit tour des plus beau clichés bien pensants du siècle. Alors oui okay, je ne vais pas aller prendre un bain dans de la graisse de baleine vêtue uniquement d'un brassard orné d'une svastika inversée hein, je suis pas un monstre. Par contre, les personnages en soi sont vraiment des héros car chacun à son niveau a été capable de faire des grandes choses, celui qui se fait fusiller en chantant un hymne socialiste, je veux bien faire sa maline, mais moi je supplierais sûrement à genoux avec la morve au nez si ça m'arrivait. En fait je crois que le titre a été mal donné et qu'il suffirait de changer deux petites lettres pour qu'il soit descriptif "historias "DE" marginales" comprenez : histoires de marginaux, car il s'agit d'individus avant tout et non pas de causes. Les causes sont éternelles, et malheureusement nous ne sommes que des petites fourmis qui font ce qu'elles peuvent pour celles qui nous tiennent à coeur. Je vais être juste avec l'auteur, même si son livre m'a tapé sur les nerfs, ce n'est pas évident d'écrire une nouvelle de deux ou trois pages maximum pour raconter la vie trépidante et héroïque de quelqu'un et d'arriver à nous faire respecter ces personnes et trembler à leurs côtés. Le style est efficace, même si les envolées lyriques sont un peu trop présentes à mon goût. Bref il y a du bon à prendre, malgré le fait que ce n'était pas du tout ce que je recherchais au départ.
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