Hitler, tome 1
8.4
Hitler, tome 1

livre de Ian Kershaw (1999)

Que peut-on encore dire sur Hitler qui n'a pas été dit ? Probablement pas grand chose, mais dans toute cette montagne d'informations, d'analyses et d'essais, le livre de Ian Kershaw se place comme une véritable référence. Le fil rouge pour l'historien est de considérer Hitler sous l'angle du "pouvoir charismatique" (selon la définition de Max Weber) et d'expliquer par ce biais comment un obscur artiste raté a pu changer la face de l'Allemagne, de l'Europe et du Monde en à peine deux décennies.

La grande force de Kershaw est de désacraliser Hitler en tant que figure centrale du nazisme en expliquant comment il y est parvenu : manœuvres subtiles ou non, imposition du culte de la personne, régime de terreur mais surtout associations intelligentes, chance régulière, sens inné de la communication, sensibilité populaire et audace permanente. Point par point, Kershaw analyse, dans un style clair, comment Hitler s'est construit son propre mythe mais a surtout su s'entourer de personnalités essentielles à son pouvoir (Goebbels, Goering, Himmler, etc.) et profiter de la faiblesse de l'Europe jusqu'à son paroxysme (le silence sur les premières invasions nazies). Kershaw balaie l'idée d'un nazisme entièrement conçu et porté par Hitler, en replaçant dans leurs importances respectives les grands noms du IIIe Reich.

Hitler n'est toutefois pas un "heureux hasard", un homme au bon endroit au bon moment : le nazisme ne pouvait se former à sa base qu'à travers lui, capable d'exacerber les plus vils ressentiment d'une nation en colère au lendemain de 14-18. Et si Hitler n'a du le salut de son parti qu'à une série d'événements incroyables (la Grande Dépression, la crise de l'Etat, le démantèlement de la bourgeoisie), il a su se révéler en fin stratège politique offensif.

Si je ne devais émettre qu'une petite réserve sur cet ouvrage, magistral, de Kershaw, ce serait l'absence d'analyse propre à Goebbels, la même qu'il offre à l'état-major d'Hitler durant la guerre. En termes de pouvoir charismatique, Hitler doit beaucoup au génie diabolique et propagandiste de Goebbels, et c'est, me semble-t-il, l'un des éléments majeurs de sa puissance dictatorielle.

Mais qu'importe : le livre de Kershaw est une magistrale leçon d'histoire, un avertissement pour les futurs générations afin qu'un monstre tel qu'Hitler ne voit plus le jour avec notre consentement ou, du moins, notre refus de le reconnaître en tant que tel, comme le fit l'Europe des années 30.
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le 10 déc. 2012

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