Il y a des voix qui vous sont spontanément sympathiques, parce qu'elles charrient des sentiments qui font honneur à notre espèce. Et ça n'est pas si fréquent. Celle de George Orwell est de celles-là. Voilà un jeune homme idéaliste, bien peu intéressé par la politique, qui prend fait et cause en 36 contre le fascisme, quand la démocratie espagnole est menacée. Comme le héros de Land and Freedom, de Ken Loach, il se retrouve dans les milices du POUM, couvert de poux et exposé au feu erratique des tranchées ennemies. Son récit s'étend sur quelques mois seulement, mais cette courte période a fait de lui un autre homme, à la conscience aiguisée et sans plus d'illusions sur les affaires politiques de ce monde. A ses côtés, on s'étonne et on se réjouit, on tremble et on grelotte, et on prend la mesure de l'infinie médiocrité des appétits humains dans le même temps que de la grandeur époustouflante des idéaux de tout un peuple engagé dans un processus révolutionnaire spontané. Un livre à l'image de notre monde, qui trouve un écho assez troublant dans notre époque... euh, disons contrastée. Et puis le style est réjouissant à l'extrême, dans une jolie traduction un peu datée et très élégante qui rend toute la vitalité d'un temps d'ébullition et de chaos. En somme, on a beaucoup à gagner à la lecture de ce petit récit, complété par deux appendices très denses sur les remous politiques de l'Espagne entre 1936 et 1937. La trahison des communistes, la fourberie russe et l'indifférence du reste des nations ont fini de condamner le peuple espagnol à 36 ans de misère et plusieurs générations de soubresauts, qui n'ont toujours pas fini d'agiter nos pétulants voisins. Édifiant, donc.