Il s'agit de la transcription d'une conférence qui s'est tenue en 2012 dans la cathédrale de Rouen, au sein d'un cycle de disputatio : deux contradicteurs répondent tour à tour à une même question, puis s'adressent tour à tour des questions / contre-arguments. Le format est intéressant, mais l'exercice oral et grand public fait de chacune des interventions une vague introduction aux positions en présence, plutôt qu'un exposé fouillé.

On n'y trouvera donc pas vraiment d'arguments pour emporter l'adhésion, mais plutôt l'esprit général de deux visions des différences sexuelles.

De mon point de vue, c'était donc insuffisamment développé, j'espérais davantage de contradiction sur des points précis, plutôt que la juxtaposition de deux postures.

Cela dit, cet ouvrage se lit rapidement, facilement, et il est vraiment plaisant de constater que ces deux mondes ont pu se rencontrer sous les voûtes d'une cathédrale, et s'écouter respectueusement. Je cite Eric Fassin quand il clôt son intervention : "je n'ai pas toujours connu, dans l'Université, des échanges aussi respectueux et amicaux, malgré les différences et différends".

L'intérêt essentiel est, je pense, d'apporter aux lecteurs catholiques un exposé clair du concept de "genre", pour corriger les caricatures qu'on y fait de la "théorie" du genre.

L'intérêt serait aussi, symétriquement, d'adoucir le jugement de certains envers l’Église catholique, en découvrant à travers ces échanges respectueux la perspective dans laquelle elle se place, et qui nourrit ses prises de position. Je pense cependant que l'ouvrage, paru chez un petit éditeur chrétien, ne circule pas trop dans ces milieux (détrompez-moi le cas échéant).

Une chose intéressante que j'aurais découverte par cette lecture toutefois : l'interprétation que V. Margron fait de Genèse 2 (le récit de création le plus ancien, celui où Eve est tirée de la côte d'Adam). Vient d'abord adam, "le glaiseux", qui n'est pas sexué. Ensuite, Dieu l'endort (il n'est donc ni le maître, ni même le témoin de la création de la femme, qui reste un mystère). Et ce qui est créé, ce n'est pas une "glaiseuse", mais une "femme" (ish'a dans le texte), et dorénavant on ne parlera plus du glaiseux asexué (adam), mais de "l'homme" (ish). Il y a donc en quelque sorte naissance simultanée de l'homme et de la femme en tant qu'êtres sexués (ish et ish'a), depuis un état d'indifférenciation et de solitude (adam).

Le reste du propos de V. Margron est sympathique, mais c'est une de ces herméneutiques phénoméno-existentialistes façon Lévinas qui me laissent toujours indifférent. J'aurais préféré qu'on traite "sérieusement" la différence des sexes du point de vue catholique, à partir des occurrences bibliques, du magistère, de l'histoire pastorale... Mais ce n'est pas l'objet du bouquin. À chercher ailleurs donc.

LFBuete
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le 17 janv. 2023

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