Paul Breitner, le narrateur du récit, est un écrivain reconnu. Habitant à Hambourg, il est très proche de son grand-père, Viktor, d’autant plus que ses parents sont morts dans un tragique accident. Lorsque le vieil homme se volatilise, la vie de Paul prend une nouvelle tournure. Surtout que ses investigations pour retrouver Viktor et comprendre ce qui s’est passé vont lui faire remonter les traces d’un docteur SS ayant sévi à Auschwitz mais aussi celles du passé de Viktor et de sa famille. Un passé lourd de secrets.
Dans ce livre très documenté, Frédéric Couderc alterne les époques, entre la fin de la seconde guerre mondiale en Allemagne où tout est à reconstruire et où Viktor va croiser la route d’une rescapée des camps, les années 50 en Afrique où Horst Schumann cherche à faire oublier ses crimes, et aujourd’hui en suivant Paul enquêtant sur son grand-père et ses liens possibles avec le nazi exilé.
C’est très habilement mené et le lecteur est tenu en haleine grâce à un certain nombre de rebondissements et à un jeu subtil entre ce qui est la réalité et ce que pourrait être la réalité. Car le livre est aussi une mise en abîme du travail de l’écrivain. Paul est en effet un auteur et la matière que lui offre l’histoire de Viktor et de Horst Schumann est une véritable aubaine pour lui ! Aubaine qu’il va exploiter et qui va entraîner d’autres évènements. Le lecteur se demande alors ce qui est de la plume de Frédéric Couderc ou de celle de Paul Breitner et l’exercice est passionnant.
A travers les rencontres que Paul va faire au long de son enquête, des découvertes qu’il fait et des indices qu’il recoupe on en apprend aussi un peu plus sur l’histoire allemande à l’issue de la guerre, sur les destins de certains nazis qui ont pu disparaître sans jamais avoir à répondre de leurs actes. Ce qui est aussi intéressant ici, c’est que l’auteur aborde un aspect peut-être moins connu des exactions nazis avec le programme Aktion T4 qui visait à assassiner les personnes handicapées physiquement ou mentalement et qui a fait environ 80 000 victimes allemandes et autrichiennes.
Un petit bémol toutefois. La fin s’étire un peu trop en longueur et il est dommage que l’auteur cherche à tout prix à conclure l’histoire et à donner des explications et une finalité à tout. Certaines choses auraient mérité de rester comme inachevées pour laisser un peu de liberté au lecteur. Et cela aurait collé parfaitement avec ce doute entretenu tout au long du livre sur ce qui est vrai, ce qui émane de l'imagination de Paul ou même de celle de Frédéric Couderc. Cette mise en perspective aurait mérité d’être exploitée jusqu’à la dernière ligne.