Incontournable Décembre 2024



Fraichement débarqué, tel un beau gros pain aux noix et bananes sorti du four, la première Intégrale de la tétralogie canadienne "Hôtel Heartwood" est arrivé à point nommé pour le temps des fêtes ( j'aurais même aimé qu'il sorte un peu plus tôt, histoire de s'assurer quelques quantités en librairie). Il possède un charme rustique et forestier qui rappelle la série française "Mémoires de la forêt", avec qui il a en commun un univers d'animaux anthropomorphes et une chaleur relationnelle indubitable. Alors, que propose notre autrice canadienne?




Mona est une petite souris qui n'a point de logis. Le dernier en date qu'elle occupait a été emporté par les flots, renvoyant la petite mammifère à sa précarité récurrente. En pleine tempête, avec cette petite valise en bois gravée d'un coeur qui constitue sa seule possession, elle tente de trouver un endroit où se mettre à l’abri. Quand elle découvre un cœur gravé sur le tronc d'un immense arbre, Mona découvre avec stupéfaction qu'il s'agit en fait de l'entrée secrète d'un hôtel. L'hôtel Heartwood se fait un devoir ( et un plaisir) d'offrir un gite sécuritaire à tout une communauté de petites créatures ( exception fait des insectes). Monsieur Heartwood, touché par la situation de la petite souris, lui offre de rester pour la nuit en échange de ses services pour nettoyer la salle de bal passablement délabrée après une fête. Même si l’accueil de sa co-chambreuse s'avère bourru, prélude à un état dépalisant et mesquin qui ne va pas s'améliorer par la suite, Mona finit par rester à l'hôtel pour l'automne, engagée en bonne et due forme. Elle travaille s'arrache-pied, mais il y a certaines "lois" avec lesquelles elle est amenée à outrepasser dues à certaines circonstances atténuantes. Mona, avec sa gentillesse et sa sensibilité, tâche de faire sa place dans un univers de service à la clientèle fréquement ponctué de défis.



Dans le tome 1, il est donc question de son intégration à l'hôtel, alors que son statut reste nébuleux. Sera-t-elle engagée dans l'équipe durablement? Parviendra-t-elle a intégrer les nombreuses tâches et exigences de l'établissement? Va-t-elle finir par se faire apprécier de Tilly, dont l’attitude à la limite de l'antipathie la plonge dans une réelle perplexité? Et ces loups dont elle a entendu les hurlements en cheminant dans la forêt avant de trouver l'hotel n'étaient-ils que de lointains et exceptionnels échos?



C'est un univers grouillant d'activités, dont tout à été pensé pour s’adapter aux divers animaux présents dans le récit. Entre certains articles et vêtements typiquement humains, on retrouve des éléments plus inspirés de la forêt, comme le bain en forme de jonc, les coques de glands comme assiettes ou la valise de Mona composée d'un noix. Les animaux ont droit à des soufflés au fromage, des palets aux graines et des pots de miel comme breuvage, alors ce roman donne souvent faim. Le tout respire le confort douillet d'un grand chalet au cœur d'un arbre.



À partir d'ici, il y aura des divulgâches - et d'autres palets tout chauds.



Mona est un personnage doté d'une grande empathie et c'est ce qui va lui faire gagner le respect et la confiance des employés comme des clients. Il y a eu le cas avec Cybèle, oiseau à l'aile blessée isolée dans sa petite chambre et ayant le mal de sa nichée, que Monsieur Heartwood va convaincre de chanter pour les clients de l'hôtel, brisant ainsi sa solitude et lui donnant l'opportunité de vivre de sa passion. C'est Mona qui lui a d'abord fait un compliment sur son chant et qui s'est faite invitée dans la chambre pour lui servir de public. Mais c'était aussi une règle: Ne pas parler aux clients, tel que mentionné pat Tilly.



Ensuite, il y a eu Ted Linotte, l'ours qui a donné une sacrée frousse aux habitants de l'arbre quand il a cherché à entrer dans ce dernier. Mona lui a trouvé l'air perdu et a deviné juste: il a été dérangé par les hurlements de loups et a donc avorté son hibernation pour aller trouver refuge dans l'arbre creux de son enfance. Il a ainsi confondu l'arbre abritant l'hôtel dudit arbre creux. Mona lui propose de le guider jusque là, car sa confusion spatiale et mémorielle sont notables. Mais elle a quitté son poste, brisant une autre règle. Tilly se fait encore un malin plaisir de lui rappeler sa bévue.



Enfin, arrive le moment où nous sommes à la veille de la célèbre fête de la Première Neige. Mona remplace temporairement Gilles le lézard de la réception et rencontre une cliente singulière, mademoiselle H. Hanneton de son état, la petite dame se montre avide de précisions sur l'établissement, notamment une certaine "politique de refus des insectes", ce que Tilly ne lui a jamais explicitement expliqué comme étant la règle "des six pattes" évoquée au début du roman. Mais elle l'ignore encore, donc Mona se montre avenante et professionnelle, garantissant que tout sera fait pour accommoder sa chambre à sa taille, qu'il n'y a aucun problème à ce qu'elle occupe l’hôtel et lui propose même la suite panoramique, l'une des deux chambre les plus luxueuses, quand elle réclame "celle recommandée entre toutes" et que Mona assure être "la plus prestigieuse" ( ce qui est vrai). Or, il s'avère que la politique des six pattes est bel et bien une discrimination, en ce sens où pour éviter d'accidentellement marcher sur un client minuscule, on préfère les refuser. Mona vient donc de bafouer une troisième règle et bien sur, Tilly en rajoute en disant qu'elle va vraiment se faire virer cette fois.



Préférant éviter de se faire évincer, Mona prend les devant, s'indigne de la méchanceté de Tilly et quitte prestement l'hôtel, le cœur lourd et le moral en berne. Elle a à peine fait un jour de voyage que sa première nuit tourne au cauchemars quand elle entend une meute de loup converser non loin de sa cachette. Le plan des loups est de profiter des lumières des lanternes pour repérer l’hôtel, dont certains semblent encore croire que ce n'est qu'une légende. Mona profite de la nuit pour regagner l'hotel afin de prévenir les animaux. La réaction est de songer à la fuite ou à se cacher. Mona use d'astuce pour trouver une troisième option: La ruse.



Posant les lanternes sur l'arbre où Ted Linotte est assoupis ( et une fois ce dernier mit au parfum) les loups ont donc une déconvenue surprenante qui les pousse à quitter cette partie de la forêt. Après un petit discours de remerciement à Mona, souris courageuse au grand coeur, la jeune souris se fait alors confier par Monsieur Heartwood que le nom de l'hôtel, bien qu'il s'agisse du sien, a été proposé par les parents de Mona, qui sont venus s'y réfugier eux aussi, il y a de cela des années. On leur doit le cœur de l'entrée également, tout comme celui sur la petite valise de Mona. Le nom du blaireau, "heart" ( Coeur en anglais), lui semblait le mot magique requis pour faire de l'hotel un "foyer" où tout le monde se sent le bienvenue.


Coup de théâtre ( qu'on peut deviner si on est attentif), Mademoiselle H est la mystérieuse critique d’hôtel pour "l'Écho de la pomme de pin" dont monsieur Heartwood s'étonnait de ne voir jamais mettre les pieds. Elle a bien sur eu vent de la discrimination, mais l'accueil chaleureux et accommodant de Mona lui a donné un avis plus que positif qui vient donc placer l'établissement parmi les "cinq glands", la plus haute cote des hôtels. L'histoire de clos sur des promesses d'avenir et une mise au point avec Tilly.


Au milieu du livre en intégrale, c'est à partir d'ici que commence le second tome, " Hotel Heartwood, tome 2 : Un hiver si doux " , soit la saison hivernale.


Le livre est truffé de jolies illustrations en blanc et noir ( un noir pâlit un peu verdâtre), aux personnages à la bouille mignonne et dont on peut apprécier le petit côté vieillot un peu chalet en bois rond des vêtements et des objets. La police est plus grosse que la norme, comme un certain nombre de romans du niveau intermédiaire. Le vocabulaire est adapté au second cycle primaire, 8-9 ans+, c'est donc un très bon choix pour les lecteurs de ce groupe d'âge qui adore lire et préfère les longs romans. Ou un excellent choix de roman pour les amateurs de lecture feuilleton du groupe des 6-7 ans.



Le cas du personnage de Tilly est un bel exemple de ce que j'évoque souvent concernant les bad boys couillons à qui on pardonne d'être des trou-de-cul parce qu'ils sont sexy, mais surtout parce qu'ils se cachent lâchement derrière leur passé "difficile". Si tous les humains devenaient aussi chiants que ces exécrables êtres humains égoïstes pour cette raison...l'humanité n'existerait PLUS. Donc, NON, avoir un passé difficile ne justifie pas d'être arrogant, mesquin ou de pratiquer une certaine forme de détournement cognitif. Tilly a perdu ses proches dans des circonstances certes terribles, ses comportements traduisent surtout son insécurité, son manque d'empathie et son sentiment infériorité ( tiens, comme les bad boys, justement!). Quand elle réalise plutôt rapidement que Mona a d'indéniables qualités, elle se met à être celle qui rabroue ses erreurs, minimise ses réussite, lui laisse entendre qu'elle aura des ennuis et que le respect des Lois est sacro-saint dans cet hôtel. C'est pour ces deux derniers éléments que je lui trouve une forme de manipulation, car elle joue sur les perceptions de Mona sur sa situation alors que personne ne lui a réellement reproché quoique ce soit. Il y a un passage dès le début qui illustre le lent gros mensonge construit par Tilly pour miner l'estime de Mona, quand elle rejette la faute de son retard sur Mona alors qu'elle lui fait visiter l'hotel : "C'est à cause de Mona"[...] Mona se rend compte bien vite que Tilly est odieuse avec elle, mais elle laisse couler, parfois par manque de temps parfois parce qu'elle manque de colère pour s'indigner de cette situation. Aussi parce qu'on lui dit à quelque reprises que "Tilly a eu un vécu très dur". Elle a aussi manifesté son fiel coutumier quand elle a assuré à Mona que décorer serait inutile vu que son départ est imminent ( Ce qui est faux). Il faut dire qu'étant employée temporaire, Mona a peut-être l'impression d'être une employée de seconde zone. Bref, Mona fini par se fâcher franchement, à bout de ces mois de commentaires dénigrants et de rabrouement non-constructif. Tilly fini par lui avouer son inquiétude que Mona la remplace ( une insécurité incohérente vu que l’hôtel a plus que jamais besoin de personnel,mais l'insécurité n'est pas toujours un sentiment logique) et ainsi se termine la campagne de dénigrement. Heureusement, elle commençait à me taper sur le pompon Tilly-chialeuse-intempestive!



Mona est quand même un classique en littérature jeunesse, soit la jolie petite héroïne gentille, au grand coeur et courageuse orpheline qui cherche sa place dans le monde . Ce sont les personnages secondaire qui m'ont plus interpellés, avec Cybèle qui se remet d'une dépression ( ce n'est pas dit, c'est moi qui le prétend) grâce à la musique, le couple de moufette dont Monsieur Savonbull ( ohoho, le jeu avec la puanteur des moufettes) qui a une anxiété très évidente et presque envahissante, ainsi que le sympathique Ted Linotte qui a l'air d'avoir une démence, mais dont les problèmes de mémoires semble venir de ce sommeil interrompu qui le fait somnoler debout. Enfin, mademoiselle H était graphiquement la plus mignonne, je trouve. On a pas beaucoup entendu parlé des autres membres du personnel, ce sera peut-être le cas dans les autres tomes. Seule Mademoiselle Prickles joue un peu le rôle de "maman de substitution" pour Mona, avec ses palets de graines et sa douce empathie.



L'aspect que j'ai trouvé plus moderne est l'idée que les "règles" peuvent être appelées à changer quand elle servent des idées plus ou moins étriquées et/ou discriminantes. Mona est parvenue à venir en aide à Cybèle, qui se noyait dans sa peine, parce qu'elle s'est adressée à elle. Elle a décodé la confusion de Ted, alors qu'il y avait cette règle un peu absurde de rester "à son poste", permettant de mettre fin à la commotion engendré par la présence de l'ours. Dans le cas de Mademoiselle H, bien sur, c'est une règle d'exclusion qui se base sur "la logique", mais qui n'a aucun sens quand on pense que de simples accommodements pourraient résoudre ce soucis. Des règles, certes, mais la souplesse est aussi une belle qualité dans le service à la clientèle qu'il faut savoir développer ( Foi de libraire!).



"Hôtel Heartwood" a quelque chose de nostalgique, un peu classique dans sa forme et dans ses personnages, dans un cadre rustique et avec des valeurs telles que l'esprit de communauté, le courage, l'espoir et le sentiment d'appartenance. Un roman tendre qui met tout-de-même en garde contre le statu quo, dans un charmant décor d'automne qui flaire bon les noix grillées et le miel.



Pour un lectorat intermédiaire à partir du second cycle primaire, 8-9 ans+




Shaynning

Écrit par

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