Les romans de l'auteure belge, c'est un peu comme les brocolis, il y en a qui aiment, d'autres pas. Toutefois, il est possible que les détracteurs de Nothomb aient lu l'un de ses plus récents (et plus mauvais) ouvrages, alors que celui-ci, son premier, est une véritable vitrine de ce qu'elle sait faire de mieux...
Car Hygiène de l'Assassin est l'un de ses romans les plus réussis, sinon le meilleur. On y retrouve le style si particulier de l'auteure, avec un côté descriptif et narratif totalement délaissé au profit de dialogues rythmés, drôles et intelligents.
Le roman part du point de départ suivant : Prétextat Tach, prix Nobel de littérature, n'a plus que deux mois à vivre. Apprenant cela, les journalistes affluent de partout pour rencontrer l'écrivain, qui reste cloîtré chez lui depuis des années ; cinq obtiendront une entrevue, à leurs risques et périls, car l'homme est un monstre dans tous les sens du terme, bouffi, cruel et cynique...
Les interviews obtenues, qui se succèdent telles des chapitres, sont de longues joutes verbales dans lesquelles chacun des journalistes finit par échouer et sortir humilié. Chacun sauf une, la seule femme du lot ; elle seule réussira à tenir tête à l'écrivain, à supporter ses monologues, ses provocations et son caractère.
Un scénario pareil aurait rapidement pu tomber dans des abîmes où se mêlent grossièreté et ennui, mais l'auteure parvient à transformer chaque interview en combat psychologique, maniant un vocabulaire très riche, et faisant de son roman une étonnante ode à la langue française. Mieux, en plaçant autant de cynisme, de méchanceté chez Tach, elle parvient à arracher de nombreux sourires, et parfois même des exclamations chez le lecteur.
Riche, intense et à prendre au second degré, Hygiène de l'assassin est à lire absolument : certains l'érigeront au rang de chef-d'œuvre, tandis que les autres y trouveront de quoi critiquer davantage encore Amélie Nothomb.