S'il ne devait rester qu'un livre, ce serait Hypérion, ma référence ! le lire c'est plonger dans un univers très riche aux graphismes puissants. Comme admirer un soleil couchant faisant scintiller d'or les vaguelettes de rivières qui abreuvent un jardin à la pelouse parfaitement tondue. Hypérion est à la littérature de SF ce que Star Wars a été au cinéma de SF : il rassemble la plupart des grands thèmes du genre. le récit est bâti sur une structure originale : plusieurs histoires à l'intérieur d'une histoire.
Au 28ème Siècle, l'Hégémonie envoie sept pèlerins sur Hypérion où ils doivent rencontrer le Gritche, un monstre mécanique hérissé de pointes, dans les Tombeaux du Temps. D'après la tradition, le Gritche exaucera le souhait d'un seul d'entre eux et tuera tous les autres. L'Hégémonie y a été poussée par le TechnoCentre et les extros, une race humaine adaptée à la vie spatiale, qui approchent lentement de la planète.
Au début, les pèlerins ne savent pas pourquoi ils ont été choisis, alors ils décident de se raconter un à un leur propre histoire liée à la planète Hypérion tout en rejoignant leur destination. La première histoire est celle du Père Lénar Hoyt, né sur Pacem, qui ne raconte pas sa propre histoire mais celle du Père Paul Duré qui a tenu un journal. le premier récit est donc une sorte de road-book de présentation et d'exploration de la planète. Certains lecteurs ont été découragés par la longueur de l'histoire. Je vous encourage vivement à persévérer sans vous prendre la tête. Laissez-vous tout simplement immerger dans Hypérion et son atmosphère, ses mystères. La suite sera bien plus dynamique et vous ne le regretterez pas. Les nouvelles sont entrecoupées par le voyage des pèlerins eux-mêmes à travers les paysages baroques d'Hypérion. La suite bien plus dynamique est la nouvelle du colonel Fedmahn Kassad, né dans les ghettos de Mars (Mars est aussi le dieu romain de la guerre…). Et là, ça va péter ! Ceux qui auront achevé le récit du prêtre seront récompensé par du space opera militaire comme on les aime, des batailles spatiales, des combats en apesanteur, des extros et leur technologie, de l'amour, du suspens, des mystères, les Tombeaux du Temps et le Gritche ! La nouvelle monte crescendo dans l'intensité. Elle est aussi l'occasion de visiter des batailles du passé, que nous connaissons, et du futur, que nous ne connaissons pas. Ensuite, les pèlerins écoutent l'histoire du poète Martin Silenus, né sur Terre et bicentenaire, et sa vie faite de pas mal de galères et de nombreuses croyances avant d'accéder au firmament littéraire. C'est à ce moment qu'il rejoint Keats, capitale d'Hypérion et la cour du roi Billy (nom pourri pour un roi) qui adore l'art. Une série de meurtres qui débute à la venue de Silenus sur Hypérion donne la conviction au poète que ce qu'il écrit se réalise et que le coupable des exactions est le Gritche. Ce dernier fera tellement de victimes que la Cité des Poètes sera évacuée. Silenus sera le dernier à quitter les lieux, après avoir vu le roi Billy emporté par le terrible Gritche.
Ainsi s'achève le premier tome. La division en deux tomes des romans du cycle d'Hypérion nous permet d'apprécier de davantage de magnifiques illustrations de Jean-Sébastien Rossbach.
L'intensité et le rythme de chaque nouvelle montent crescendo pour finir en un final explosif. Au début du second tome, les sept pèlerins voyagent à bord d'un navire tiré par deux mantas géantes. le philosophe Sol Weintraub, de la planète Barnard, raconte son histoire, celle de sa fille Rachel qui rajeunit à la même vitesse qu'elle a grandie après avoir vécu un phénomène paranormal dans un des Tombeaux du Temps… Une histoire très touchante parce que sa mère meurt dans un accident et qu'elle oublie ce qui s'est passé la veille. Difficile à vivre pour ses parents. C'est cette histoire qui le poussera à s'interroger sur le lien qui unit parents et enfants. Proche de la naissance de sa fille (et donc de sa mort) le vieux Weintraub n'a plus rien à perdre et part pour le pèlerinage sur Hypérion. Suit le récit de la détective Brawne Lamia, née sur Lusus, qui rencontre le cybride de John Keats, son futur amant, poète ayant réellement existé. Cette nouvelle aborde le récit policier. On en apprend un peu plus sur les arcanes du TechnoCentre et des entités qui le peuplent, sur la Présidente Gladstone. L'intrigue se complexifie. On voyage pas mal, aussi. Comme tous les récits précédant, en fait. Enfin, le Consul, né sur Alliance-Maui, nous raconte le combat de sa grand-mère pour l'indépendance de sa planète, via son grand-père. Une histoire d'amour aussi, un peu moins convaincantes qu'entre Brawne Lamia et John Keats. On parle très peu du Consul, on ne connait même pas son nom : un personnage très mystérieux, sans vraie identité. Ce qui n'empêche pas son récit d'être au moins aussi intéressant que les autres. Une fois les récits achevés, les pèlerins, s'enfoncent dans la vallée des Tombeaux du Temps, affrontant leurs destins. Ils ne sont plus que six à cause de la disparition mystérieuse du non moins mystérieux Het Masteen, capitaine du Yggdrasil (le vaisseau en illustration du tome 1) et surtout Voix de l'Arbre Authentique (j'aime beaucoup ce titre), donc un Templier. Il fait partie d'une religion écologiste ; leur planète est le Bosquet de Dieu.
Chaque nouvelle forme une mosaïque qui décrit un univers passionnant, bien construit, et beau. On peut en dire autant de l'histoire qui, grâce à cette mosaïque, est rendu puissant, un concentré. Hypérion aborde un peu tous les thèmes de la SF et de nombreux concepts. Et à la fin de l'histoire c'est comme si on en avait lues plusieurs en une seule ; un autre grand avantage de la structure du roman. Pour moi, Hypérion a constitué le sommet de l'émoi littéraire. Une bombe qui m'inspire dans ce que j'écris (mais ce n'est pas ma seule inspiration) et qui continu de vivre dans mon esprit, tout comme ses mystères non élucidés qui lui donne le charme suprême du mystère. le Gritche de l'illustration de Rossbach m'a aussi marqué. Qui n'a pas été sensible à la frayeur qu'instillait cette illustration ? Pour tout ça, Hypérion est l'apogée du space opera, le chef-d'oeuvre de la science-fiction. Mais pour que vous le compreniez réellement, il n'y a qu'une seule chose à faire : le lire !