J'étais fan de Jackie Chan depuis l'adolescence, mais m'étant il y a quelque temps lancé dans un marathon où je n'ai regardé pratiquement que des films de l'acteur pendant plus d'un mois, il est devenu limpide pour moi que Jackie Chan est tout simplement le dieu du cinéma d'action.
J'étais obligé de lire sa biographie à un moment.


Le livre a été co-écrit avec Jeff Yang, et il est évident pour quiconque a déjà entendu Jackie dans une interview en anglais qu'il a été aidé. Le style est fluide, la structure du récit et les formules employées sont un peu recherchées, tout en gardant un ton détaché, avec quelques mots d'esprit par moments.
L'écriture débute visiblement sur le tournage de Who am I (son film que je préfère, ironiquement un des rares à n'être jamais sorti en France), alors que Jackie se prépare pour la fameuse cascade où il dégringole la façade vitrée d'un immeuble.
Il rend alors hommage à son maître, décédé une semaine plus tôt, et en profite pour se lancer dans un long flashback.
Jackie, né Kong-Sang Chan, a vu le jour dans un contexte historique tumultueux pour la Chine, où la pauvreté était courante, et en raison de cela, ses parents ont failli le faire adopter par l’aide-soignante qui a participé à l’accouchement. Mais vu les conditions dans lesquelles Chan a été élevé, et le dévouement de ses parents, je comprends son attachement pour eux et les thèmes de certains de ses films, que je jugeais un peu niais (dans Big brother par exemple…)
Etonnamment, Jackie était un enfant turbulent et mauvais élève, dont on pensait qu’il n’arriverait à rien.
Son père l’a alors inscrit à une académie d’arts dramatiques où, d’abord émerveillé, le jeune Jackie s’est enrôlé pour 10 ans. Mais le rêve est devenu un cauchemar, en raison de la discipline impitoyable et le traitement limite inhumain des élèves. Ils ne dormaient que 5 heures, s’entraînaient toute la journée, continuaient malgré leurs blessures, et des châtiments corporels étaient appliqués pour n’importe quel écart de conduite, même minime (genre aller aux toilettes pendant l’entraînement).
Les détails concernant ce type d’éducation sont dingues, mais les étudiants y ont appris les arts martiaux, et Jackie est aujourd’hui reconnaissant que son maître l’ait poussé au bout de ses capacités.


Je me souviens qu’après avoir vu le film Whiplash, j’avais demandé à plusieurs personnes si elles trouvaient le comportement du personnage de J.K. Simmons justifié ou non.
Mais ce livre nous fournit un équivalent ancré dans la réalité, et sans ce type d’exigence extrême, on n’aurait pas eu le Jackie Chan que l’on connaît. Comme il l’indique lui-même, ce type de traitement est désormais illégal, mais les élèves ne sont plus aussi doués qu’autrefois.
Il a vécu la fin de cette époque, l’intérêt pour l’opéra chinois s’estompant en faveur du cinéma, et on comprend sa mélancolie, malgré tout ce qu’il a subi.
Les auteurs auraient quand même pu accélérer un peu toute cette période à l’académie, car ça ressemble avant tout à une chronique de l’enfance, où beaucoup des évènements relatés se rapportent à toutes les bêtises que les gamins ont pu faire.
Cette partie occupe quand même presque 1/3 du bouquin, alors que j’en attendais surtout des anecdotes sur les tournages et les cascades.
Concernant la vie personnelle de Jackie, j’ai quand même été emporté par le récit de sa première histoire d’amour, l’expression des sentiments y étant très forte et assez touchante. La façon dont ça s’est fini est déchirante ; je me suis dit qu’en voyant les gens, qu’il s’agisse de stars ou autres, on peut complètement ignorer qu’il y a dans leur vécu des expériences qui les ont profondément blessés et marqués définitivement… La situation en question m’a par ailleurs fortement rappelé une sous-intrigue du remake de Karate kid, ça n’est probablement pas un hasard.
Toutefois, on ne peut pas être certain que l’histoire n’est pas un peu romancée pour le livre, qui après tout ressemble quand même à un moyen de promotion pour Jackie Chan, à l’époque de sa percée dans le marché Américain.
Ce serait intéressant de voir quels sont les ajouts du livre plus récent, "Never grow up, only get older", où il parle plus ouvertement de sujets plus controversés apparemment, évoquant même son affaire d’adultère. (mais le livre n’existe qu’en Chinois jusque là) Dans "I am Jackie Chan", la star en reste à l’évocation de son comportement arrogant quand il a commencé à devenir célèbre, et ses problèmes de jeu d’argent quand il était jeune (sujet que, cette fois, on retrouve dans Rob-B-hood)


Mais quand on en arrive enfin aux histoires de tournage, force est de constater c’est décidément ce qui m’intéresse le plus.
Le livre est riche en anecdotes, mais Jackie Chan fait également pleins de remarques pertinentes sur l’industrie du cinéma en général. Il explique entre autres l’implication des Triades dans le showbiz en Chine, et parle de la tendance des studios à vouloir copier un succès. Suite au décès de Bruce Lee, beaucoup n’ont pas compris que la particularité de ce qu’il a fait était le caractère novateur et unique.
Jackie m’a aussi aidé à comprendre l’impact qu’a eu Bruce Lee sur le cinéma d’arts martiaux, en présentant des combats plus ancrés dans la réalité… et ça m’incite à me forcer à regarder ses autres films (n’ayant pas aimé ses deux premiers…)
Autre effet qu’a eu Bruce Lee, involontairement, c’est que le public s’est détourné vers la comédie plutôt que le film d’action, après la mort de la star. Et quelques années plus tard, Jackie Chan s’est spécialisé dans la comédie de kung fu…
De bien des façons, sans Bruce Lee, il n’y aurait pas eu Jackie Chan. Si ce dernier est Dieu, il a ses apôtres : beaucoup de gens, et d’évènements, qui ont concordé à ce que les prouesses de Jackie nous parviennent.
Dans ce livre, Chan se lâche sur Lo Wei, nous livrant tout un tas de témoignages de son incompétence. Réalisateur à succès, il semblerait qu’il se soit mis à dos Bruce Lee avant Jackie, et avait pour habitude de dormir sur les tournages, tandis que ses deux vedettes chorégraphiaient les combats. Chan en a bavé pendant des années, piégé auprès de Lo Wei pendant des années, en raison de contrats qui relevaient de la véritable arnaque. Wei a même plus tard joué de ses connexions avec les Triades pour forcer Jackie à retravailler avec lui.
Pour se faire une idée de l’image dégagée par le personnage et ses exigences farfelues : quand je lisais ses répliques, c’était automatiquement la voix de Jonah Jameson dans les Spider-man de Sam Raimi qui me venait en tête.
Cela aura au moins permis à Jackie de rencontrer Willie Chan, celui qui est depuis lors son ami et manager, et qui lui a régulièrement donné de gros coups de pouce.
Et alors que le livre met en lumière cette relation peu connue du grand public, il fait voir tout autrement le rapport entre Jackie et Samo Hung, qui diffère grandement de l’image donnée par les films, puisque leur amitié semble fortement teintée de rivalité.


Comme je le craignais un peu, il y a certains films que Chan ne fait que survoler, mais il revient quand même suffisamment sur les œuvres les plus importantes.
Le contexte de création de certaines est complètement inattendu, et permet de les percevoir différemment.
Chan a quand même abandonné par deux fois son travail de cascadeur, pour rejoindre ses parents en Australie ! La seconde fois, il est revenu à Hong-Kong parce que Willie Chan lui proposait le rôle principal dans le remake de Fist of fury par Lo Wei.
Et Dragon lord par exemple, était censé être une suite de La danse du lion, mais Chan l’a fait précipitamment après la frustration de ses premiers tournages aux USA, d’où un résultat bâclé.
En fin d’ouvrage, il y a quand même cette idée superbe d’avoir mis une filmographie complète de l’acteur/cascadeur, avec souvent des commentaires sur le contexte et son avis. Jackie n’a pas peur de dire tout le mal qu’il pense de certains (j’ai apprécié des films qu’il déteste comme The protector, et moins aimé d’autres qui lui tiennent à cœur, comme quoi…), du coup ça m’aurait bien amusé de voir ce qu’il aurait pu dire sur Le smoking ou Le médaillon, si le livre avait été plus récent.
Et il y a également un top 10 de cascades, un top 10 de combats, et une liste exhaustive des blessures récoltées au fil des tournages.


"I am Jackie Chan" est riche en informations et l’écriture est très agréable à lire ; il est évident que c’est un indispensable pour les fans.

Fry3000
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le 23 sept. 2016

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