Ce n'est pas ici une de mes critiques habituelles. J'ai juste compilé les remarques les plus intéressantes trouvées dans différentes revues et je les ai remontés à ma sauce en fabriquant les transitions.
Je rends donc à César ce qui appartient à César. En remerciant.
Prix Sade 2014. Bien mérité.
Depuis l'inconnu du lac je savais on savait qu’"Alain Guiraudie" était un formidable cinéaste. On ne savait pas encore qu’il était un bon écrivain. Ici commence la nuit est son premier livre. Qui n’est pas du tout comme un scénario passé à la gonflette mais un vrai roman. Ce qui n’empêche pas Guiraudie d’emprunter pour l’écrit bien des procédés du cinéma.
Ici commence la nuit est un trouble triangle amoureux. Gilles, la quarantaine, éprouve un désir inexpliqué pour Pépé, 98 ans. Il aime voler ses slips et se masturber dedans. Alertés par Mariette, la fille de Pépé, les gendarmes viennent fourrer leur nez dans cette histoire de slips kangourou chapardés. Le brigadier-chef, Louis, s’éprend de Gilles après l’avoir torturé avec sa matraque.
Le cinéaste de « L’Inconnu du lac », Alain Guiraudie, publie son premier roman, « Ici commence la nuit ». Un triangle amoureux qui mêle gérontophilie, excréments et occitan.
Sang, sexe et sperme. Cru, sexuel et scatologique.
Personnage inquiétant, le flic amoureux, Louis rappelle Michel, le serial-killer moustachu de L’Inconnu du lac. On retrouve d’ailleurs dans le livre des éléments du film : l’amant noyé, les bosquets où se retrouvent les homosexuels pour baiser, et surtout l’affrontement entre deux conceptions de l’amour : doux et platonique entre Gilles et Pépé ; physique et passionnel entre Gilles et le chef.
Mais Ici commence la nuit, écrit avant le film, va beaucoup plus loin dans la noirceur. La littérature semble avoir permis au cinéaste d’explorer à fond son univers et il s'engoufre dans les méandres du fantasme, repoussant les limites de la morale, piétinant les tabous (à peu près tous).
«Tu te branlais dans mon slip, à deux pas de moi, mais tu pensais pas à moi ?» Total, les gendarmes enquêtent, surtout le chef, «une sorte de psychopathe avec une tête de bon français». Très vite (page 32), ça merde sévère et ça n’est pas du tout une métaphore lorsque le chef use et abuse de sa matraque sur la personne arrière de Gilles."
Arrivé à ce stade du roman j'ai failli arrêter parce que j'avais l'impression de m'embarquer dans un roman ou l'excès dans le dégueulasse allait être là juste pour le plaisir de l'excès. Mais j'ai bien fait de continuer :
Mais il y a aussi tout comme dans l'inconnu du lac un côté suspens à l'histoire qui s'avèrera être aussi d'ailleurs un polar politique tout comme un récit fantasque et fantastique où on finit par se foutre du réalisme pour ne retenir que son ombre, et dans l’ombre, bien des fantômes, dont celui de la liberté totale, infrangible, innégociable.
L’écriture permet à Guiraudie de décrire une abjection intraduisible à l’image, de pousser le bouchon plus loin en matière d’obscénité et de sexualité trash, mais aussi d’aborder des thématiques plus universelles, profondément ancrées dans le régionalisme.
Le propos est tout compte fait noir, très noir, avec une fin inattendue. C’est excitant à lire, mais il faut s’y mettre. Une fois parti, alors commence notre liberté, on ne lâche pas ce livre plein de tendresse et de folie.