Robert Oppenheimer c’est le « père de la bombe atomique », le directeur du projet Manhattan lancé durant la seconde guerre mondiale par les Etats-Unis sous l’impulsion du major-général Groves. Mais au-delà d’être cet homme de science capable de diriger une équipe pour mettre au point l’arme qui changea à jamais l’équilibre du monde, c’est aussi un intellectuel qui s’interroge, un homme charismatique sous le charme duquel tout le monde tombe, ou à peu près, au regard magnétique. Un homme qui, de héros de la nation devint l’homme à abattre. Et pour cela, tous les moyens seront bons pour le faire vaciller jusqu’à l’effondrement final.
Ce livre se lit avec un double intérêt. Il éclaire, en effet, à la fois une époque, celle des Etats-Unis entre la seconde guerre mondiale et les débuts de la guerre froide et il montre par ailleurs les contradictions d’un homme tiraillé entre son devoir envers son pays, la fierté de mettre au point une avancée majeure et la crainte que fait naître l’usage réservé à cette arme qu’il a mis au point.
Virginie Ollagnier a construit son récit comme un véritable puzzle, alternant les époques et les épisodes de la vie de Robert Oppenheimer, emboîtant les pièces au fur et à mesure pour finir par donner une vision complète de ce qu’ont été ces dix années entre le moment où Robert entame son travail à Los Alamos et celui où ses ennemis parviennent à le faire tomber.
Car au cours de ces dix ans, Oppenheimer aura le temps de mesurer la dangerosité de la bombe atomique, de la folie des hommes à qui est confiée une telle arme. Les bombardements de Nagasaki et d’Hiroshima viendront confirmer cette intuition. Il n’aura de cesse que d’alerter, essayer de sensibiliser, de faire entendre sa voix. En vain. En pleine époque de chasse aux sorcières, de condamnation du communisme, de McCarthysme, Oppenheimer et ses idées humanistes, en contradiction totale avec l’esprit guerrier sensé prévaloir, ne pouvait que se retrouver désigné à la vindicte. Petit à petit, le travail de sape fait son œuvre, les ennemis étant puissants et les armes inégales.
On découvre aussi ici le portrait d’un homme dans l’intimité duquel l’auteure nous invite. Sa vie, sa famille, ses amours, ses tourments sont ainsi racontés. Ses luttes évidemment sont exposées et analysées avec beaucoup de justesse. Virginie Ollagnier arrive à nous rendre complètement compréhensible la dualité des sentiments de son héros et à nous faire percevoir la fascination qu’il a pu exercer sur ses contemporains.
Ce livre, très documenté, est absolument à lire si on s’intéresse à l’histoire et si on veut aussi comprendre les répercussions, encore visibles aujourd’hui, de cette époque sur l’histoire contemporaines des Etats-Unis.