michfred 30 août 2017
"Ces malades qui nous gouvernent": ce titre memorable de Libé aurait pu servir au dernier roman de Marc Dugain..ou faut-il écrire Mark O' Dugain?
Sous ce pseudo transparent , le narrateur entreprend de croiser deux recits: celui de l'assassinat de Bob Kennedy, précédé de celui de son frère qui l'éclaire et lui ouvre la voie, et le récit plus intime de la mort violente et mysterieuse, à un an d'intervalle, de ses parents qu'il croit fermement liée à celle de RFK.
Alternant avec un sens diabolique de la frustration le récit-enquête historique et l'enquête-récit fictif, l'auteur nous mène par le bout du nez-que nous avons curieux- dans un dédale d'informations passionnantes, attestées - je n'ai pas cessé de faire des aller-retour sur Internet- et bien souvent étonnantes- présence des Bush père et fils au pied de l'immeuble de la CIA à Dallas le jour de l'assassinat de Jack, présence d'une jeune femme hystérique et très repérable, en robe à pois, le jour du meurtre de Bob et celui de l'assassinat de Martin Luther King, programme de contrôle mental de certains individus fragiles concocté par la CIA, avec la participation active de psychanalystes réputés et peu scrupuleux, et j'en passe!
L'intrigue fictive est, elle aussi, passionnante, et nous suivons cette double intrication avec un intérêt qui se charge progressivement d'une bonne dose de malaise.
C'est que la maladie mentale règne en maître dans ce roman: priapisme et insensibilité émotionnelle du sémillant Jack, maniaco-dépression du romantique Bob qui va à l'élection comme on se suicide, avec une résignation lasse et magnétique, paranoïa meurtrière de la toute-puissante CIA..
Et le narrateur n'est pas plus rassurant...très vite le lecteur attentif repère des anomalies, des redites, des illogismes, des "topoï' dans son récit.
Comme si Marc Dugain avait voulu faire, à travers son narrateur Mark O' Dugain, sa propre thérapie , et, après La Malédiction d'Edgar-le patron éternel et pervers de la CIA- et L'Avenue des géants , en finir avec cette obsession des Kennedy qui hante son oeuvre.
Tout le récit se teinte alors d'un fort parfum de doute: 'Et si ce n'était pas vrai?" pour parodier le titre célèbre d'un roman que je ne lirai pas.
Si les fous sont au pouvoir et si le pouvoir rend fou, que dire d'un historien comme O' Dugain qui serait atteint de manie obsessionnelle?
Tout cela est bien shakespearien..."une histoire racontée par un fou, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien.."
En tout cas, une belle rentrée littéraire pour Marc Dugain, et une lecture qui donne le vertige et le tournis!