Un magnifique catalogue pour se souvenir d'une exposition rendue inaccessible par la pandémie; mais ce livre est tellement bien fait que je gage en tirer un bénéfice presque égal à une visite exhaustive. Évidemment, rien ne remplace la perception de la matière picturale, mais tout le reste est là : des articles brillants et synthétiques, des reproductions soignées (au milieu desquelles il faut naviguer sans cesse, mais on s'y retrouve...) et, surtout, des extraits de cette merveilleuse correspondance de l'artiste qui montre un esprit alerte et soucieux de percer les mystères du réel et de l'âme humaine. Avec la partie consacrée à Répine dessinateur, ce sont mes deux tranches préférées. Le Paris de 1973, deux ans après la Commune, y est décrit avec une vivacité et une pertinence qui font regretter le peu de pénétration des écrivains de notre temps. Répine, qui a frotté son âme slave et son inquiétude spirituelle à l'effervescence encanaillée de la France, nous livre un chapelet de réflexions frappantes, destinées à ses amis, qui traversent les décennies avec une fraîcheur stimulante. Quel esprit ! Je placerais cette correspondance très au-dessus des lettres de Van Gogh a son frère Théo. Et même un peu au-dessus de celle d’Elizabeth Vigée-Lebrun, déjà toute pleine d'une époque révolue sur laquelle elle nous faisait aimer revenir. Bref, un ouvrage en forme d'enchantement, visuel et intellectuel, qui me donne déjà envie de recommencer à le feuilleter dans le désordre...