Le début du roman est assez étrange si l'on s'attend au récit de nature writing par excellence, comme il est dit partout, car le narrateur est un novice absolu : Pete Fromm est étudiant lorsqu'il accepte un job qui consiste à surveiller un bassin d’œufs de saumon durant un hiver dans les Rocheuses.
Déstabilisant, ce début, car Pete, honnêtement, a tout d'un loser : naïf, maladroit, il cumule les bourdes à la limite de l'inconscience. Étonnant, donc, quand on lit ce roman car on a lu à son sujet que c'est l'un des plus grands récits de nature writing que l’Amérique ait compté.
Mais bon, on continue, car l'installation de Pete est captivante, et finit par l'être justement grâce aux difficultés auxquelles il est confronté, bien souvent par sa faute. On est obligé de s'attacher à lui, son écriture est tellement pure, nette, précise, que l'on vit tout ce qu'il vit en sa compagnie.
Et le changement opère. Comme il le dit dans la postface, au cours de cette expérience de vie, il a vécu un retournement de situation, qui lui a permis de voir de quel camp il était : celui de la nature, de la vie sauvage, des grands espaces, et non celui de la ville et de la vie commune. Or, ce changement, on le sent très bien dans son récit, c'est très fin et sensible mais cela nous affecte aussi, nous, lecteurs.
Et que l'on est heureux de voir que Pete les aime profondément, ces montagnes !
Enfin, j'ai adoré cette postface, qui raconte aussi son parcours d'écrivain et le succès fulgurant de ce roman. Cerise sur le gâteau, une émotion incroyable, pure comme la glace, décor majeur de ce récit : les saumons, ce qu'ils sont devenus après 20 ans d'absence de Pete. Magique !
Finalement, même si ce roman m'a fait penser beaucoup à Into the wild par moments (même fixations sur la chasse, la nourriture, mêmes lubies, mêmes sautes d'humeur), je trouve celui-ci plus drôle, plein d'autodérision, donc plus vrai, et paradoxalement plus sensible.