Pour le lecteur lambda qui n’a pas soutenu de thèse en histoire mais a, en revanche, visité quelques-uns des châteaux de la Loire et a bien écouté ses instituteurs, l’époque de la Renaissance évoque immanquablement les figures de François Ier et de Léonard de Vinci - peut-être aussi celles de Charles Quint et de Martin Luther mais c’est moins sûr -, sans compter les fenêtres à meneaux, les jardins à la française, l’essor de l’imprimerie, le gothique flamboyant, etc., de telle sorte qu’il peut avoir la sensation qu’avant qu’elle n’entre dans le 16ème siècle, notre bonne vieille Europe n’était qu’une terre minée par l’obscurantisme, et qu’en passant du 31 décembre 1499 au 1er janvier 1500, elle avait enfin eu accès à la lumière de l’humanisme.
Bon, parole d’historienne, ça ne s’est pas tout à fait passé comme ça. Rappelons que le fameux Quattrocento (alias « Renaissance italienne ») correspond au 15ème siècle, que l’imprimerie a été inventée au 15ème siècle, que le Nouveau Monde a été découvert au 15ème siècle et que la peste ne s’est pas volatilisée comme par enchantement au 16ème siècle, sans parler de la guerre et des querelles religieuses, illustrées par la Réforme qui, bien qu’impulsée au 15ème siècle, s’est épanouie au siècle suivant. Ce préambule, vous l’aurez compris, tend simplement à mettre en avant le fait que la Renaissance synthétise les mutations profondes qui ont transformé notre vieux continent pendant plus de deux siècles avec la patience de vagues érodant les falaises. C’est pourquoi, en ouvrant les pages de ce roman historique dont l’action se situe en Allemagne (qui ne s’appelle pas Allemagne, hein, on se comprend ?) à la charnière des 15ème et 16ème siècles, on a la sensation d’être encore plongés jusqu’au cou en plein Moyen-Âge et non pas en pleine Renaissance. En effet, selon les pays, la politique et l’économie ont fait que la transition entre ses deux périodes a été plus ou moins longue et laborieuse. En bref, selon moi, la force du présent roman tient essentiellement dans sa bonne documentation et il ne fait aucun doute qu’il comblera le lecteur désireux de mieux appréhender le panorama historique de cette période.
A travers les destins d’une mère et de sa fille - chacun d’eux étant traité de façon distincte à quelques années d’intervalle -, le lecteur prend pleinement conscience d’une réalité moins flamboyante que celle qu'il aurait imaginée : pillards, pauvreté, épidémies, injustices, inquisition… les maux du peuple sont légions. La médecine, les arts, la spiritualité, la superstition et la précarité de l’existence figurent donc parmi les thèmes largement mis à l’honneur par Jean-Pierre Bours dans son roman auquel je reconnais une belle qualité d’écriture et une érudition certaine, hélas insuffisantes à me le faire classer parmi mes coups de cœur. Même si le récit en lui-même ne souffre ni de longueurs (le rythme est plutôt soutenu), ni du manque d’action (très présente) et encore moins du manque d’émotion (ininterrompue), la narration ne m’a pas touchée en plein cœur, je l’ai trouvée distante et plutôt académique, au final assez impersonnelle, quasi factuelle. Tout au long de ma lecture, j’ai eu la sensation que l’auteur avait hésité entre une chronique (justifiée par cette approche factuelle) et une aventure romanesque (nécessitant davantage de profondeur psychologique) et que, ne pouvant se résoudre à choisir, il avait décidé de faire un « deux en un ». J’avais déjà éprouvé la même sensation à la lecture de « Tuer Napoléon III » de Jean-Baptiste Evette : une solide documentation, une narration travaillée mais un manque de chaleur dans le style qui m’a empêchée de m’impliquer dans le roman, me laissant en marge, simple spectatrice quand j’aurais voulu être actrice.
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