Quel plaisir de lire un roman historique aussi passionnant, décrivant un lieu et une époque méconnus, en l’occurrence l’Allemagne au tout début du XVIème siècle, à la charnière entre Moyen Age, Renaissance et Réforme !

On y fait la connaissance d’Eva, fuyant sa maison durant la nuit, et obligée d’abandonner son enfant sur l’autel d’une petite église, avant d’être arrêtée par l’Inquisition. Pour avoir fait preuve d’indépendance d’esprit et savoir lire et écrire, à une époque (1500) où l’obscurantisme règne en maître, elle est poursuivie pour sorcellerie et risque le bûcher.
Sa destinée s’entrecroise avec celle de Margarete (Gretchen) qui, recueillie dans un milieu rural, part à la recherche de son identité, se trouve confrontée aux troubles de l’époque et, à l’occasion d’une épidémie de peste, rencontre un mystérieux médecin du nom de Johann Faust. Puis, déménageant, elle s’en va vivre à Wittenberg, et y croise Martin Luther et le peintre Lucas Cranach, pour lequel elle va poser.

Des personnages réels et des héroïnes de fiction qui font bon ménage, dans un récit dont le moindre intérêt n’est pas qu’il est commenté de manière ironique par… Méphistophélès, aux aguets, toujours prêt à proposer ses services… moyennant signature d’un « pacte »...

Voilà qui fait beaucoup, et ce récit aurait pu être confus. Il est au contraire clair et passionnant, et ceci pour plusieurs raisons. D’abord, il est parfaitement documenté, sans nul excès d’érudition : l’on y apprend énormément, notamment grâce à quelques discrètes notes de bas de page, et à celle de l’auteur en fin de livre, qui démêle le faux du vrai. Ensuite parce que le style y est fluide et agréable, avec une grande puissance d’évocation (la scène de la peste…).
Comment classer ce roman, qui est dans la foulée de ceux de Ken Follett (« Les Piliers de la terre ») ? Ce n’est pas seulement un roman « historique », « populaire » par certains points (beauté des deux héroïnes, thème de la quête d’identité, sombre vengeance machinée dans l’ombre) ; c’est aussi, pour ce qui concerne Eva, un roman « judiciaire » (comment va-t-elle se défendre face à ces magistrats décidés à la perdre ?) ; et, pour ce qui concerne Gretchen, un roman « d’initiation », de ce genre que les allemands appellent « Bildungsroman » : Margarete traverse diverses épreuves pour en sortir grandie et douloureusement mûrie.

Et c’est, enfin, et voilà qui n’est pas négligeable, un roman sur les rapports entre le Mal et le Bien. Voire même un livre sur les frontières, celles entre Bien et Mal étant aussi indistinctes que celles séparant la Renaissance du Moyen Age.
Passionnant. A tous points de vue. A lire si vous voulez passer des moments forts. Un coup de cœur. Vous voulez un bémol ? On reste un peu sur sa faim avec l’épilogue. Mais, qui sait ? Une suite est peut-être en cours d’élaboration. C’est vraiment le moins que l’on puisse souhaiter.
prima
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le 16 nov. 2014

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