Toutes les organisations souhaitent lutter contre la pauvreté, mais peu s'expriment sur les inégalités. En effet, c'est une chose d'avoir des revenus insuffisants, mais l'exclusion se caractérise aussi par l'accès à l'éducation, à un système de soin, à une dignité qui se doit d'être accordée à tout être humain autrement qu'au travers de la simple aumône. D'autant que les généreux donateurs sont souvent ceux qui sont à l'origine de ces inégalités de façon directe ou détournée. Et que dire d'autres inégalités qui relèvent, elles, du fait d'être handicapé, une femme ou d'avoir une orientation sexuelle hors norme ?
De ces réflexions est né ce document où les membres du Conseil Scientifique d'ATTAC ont rassemblé leurs remarques vis-à-vis du concept d'inégalité. Pour ce mouvement, il est évident que le néolibéralisme – mais ne nous trompons pas sur ce terme car il ne s'agit que du dernier avatar à la mode de cet animal mutant et vorace qu'on appelait jadis capitalisme – est à l'origine de la plupart des maux et des inégalités ici constatées.
L'ouvrage commence avec quelques chiffres, non pour noyer le lecteur dans un fatras de constatations orientées mais pour poser les bases de ce qu'il convient de pointer du doigt. Ensuite les théories sociétales modernes sont reprises et on commence à voir qu'elles induisent de part leur nature même des inégalités criantes. De même, on voit les malentendus qui peuvent naître de la confusion entre l'égalité et l'équité. On se rend bien compte que, dans une société mondialisée où chacun est le concurrent de tous, les règles du jeu sont truquées. Une remarque m'a frappée : en effet, si on part du principe que les plus forts doivent gagner car ils ont les qualités qui leur permettent ce statut alors il convient d'abolir toute idée d'héritage afin de respecter l'égalité des chances, mais bon... même les gauchistes ne seraient pas d'accord avec cette vision. C'est dire si le problème est complexe.
Il convient aussi de voir quels indicateurs retenir. Généralement, on ne mesure qu'en PIB. Mais il existe bien d'autres indicateurs alternatifs tels l'IDH et d'autres qui prennent en compte des indicateurs d'ordres culturels et sociaux. Les notions doivent être relativisées d'un état voire d'un continent à l'autre tant les situations sont diverses. On peut aussi raisonner à l'inverse en chance de devenir précaire, marginalisé ou victime d'un système avec lequel on n'est plus en adéquation. Enfin tout cela est aussi visible au niveau de l'empreinte écologique et des inégalités d'accès aux ressources que cela génère au niveau des peuples.
Après un tour d'horizon peu flatteur de notre vieille nation, les auteurs évoquent la catégorie la plus discriminée, la plus ancienne à avoir été traitée de façon inégalitaire et qui continue de subir cet état de fait : la gente féminine. En effet, dans le travail où elles sont moins payées que leurs homologues masculins, elles doivent aussi trop souvent subir le temps partiel imposé. De même, outre l'aspect de la prostitution, elles ne sont que peu représentées parmi les politiques alors qu'elles produisent plus que les hommes, mais leur travail en dehors des usines ou des bureaux n'est jamais comptabilisé dans le PIB, je parle ici de tout les travaux ménagers. Dans d'autres partie du monde, ce sont les femmes qui s'occupent à 75% des cultures vivrières alors qu'elles ne sont propriétaires que dans 2% des cas et ne sont que 10% à pouvoir bénéficier de crédits.
Après une dénonciation des plans d'ajustement structurels qu'imposent le poker du mal que sont l'OCDE, l'OMC, le FMI et la Banque Mondiale, les auteurs exposent les moyens que les états ont de contraindre à une meilleure répartition des richesses et une régulation plus juste de ces richesses entre ceux qui produisent et ceux qui se contentent de vivre de la rente. Puis vient l'approche environnementale où on découvre que sur ce terrain également les inégalités sont légions entre l'accès aux ressources, leur exploitation, l'accaparement par les brevets mais également, entre autres, les risques et les conséquences du réchauffement climatique.
Enfin l'ouvrage reprend trois droits essentiels qui sont bafoués et que la propagande néolibérale – vous savez bien, ce que le gouvernement appelle des réformes, mais qui ne sont de fait que des contre-réformes qui n'ont pour but que d'affaiblir nos sociétés pour enrichir quelques transnationales prêtes à se partager la dépouille des institutions démantelées – n'a de cesse d'attaquer afin de se les approprier à moindre coût : l'éducation, la santé et le logement. Pour conclure, les auteurs restent optimistes et proposent la riposte en indiquant cinq combats à mener afin de lutter contre les inégalités et donc la pauvreté qui en découle.
Ces ouvrages de l'Association pour la Taxation des Transactions financière pour l'Aide aux Citoyens paraissant aux éditions mille et nuits ont tous le point commun d'être volontairement peu couteux et d'évoquer de façon synthétique, même si c'est parfois un peu ardu à assimiler, les problèmes de société engendrés par l'économie financière. L'éducation populaire est en effet une des missions primordiale d'ATTAC qui, ne s'attachant pas aux fantasmes de la théorie du complot, décortique pour le plus grand nombre le mythe du marché tout puissant et de la mondialisation triomphante. L'économie financière est la cible de l'association car elle n'est pas la vraie économie. Cela explique les crises qui nous frappent cruellement ces dernières années... Mais où est donc la fameuse main invisible d'Adam Smith tant défendue par les libéraux ? Un ouvrage édifiant à consulter d'urgence.