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L'impérieuse nécessité de préserver la liberté de la presse

Le livre "Informer n'est pas un délit" résulte de la collaboration entre seize journalistes d'investigation qui ont décidé de relater à travers cet ouvrage les dessous de leurs enquêtes les plus sensibles et de rappeler, conformément à ce que le titre laisse entendre, ce qui devrait relever de l'évidence.


Le métier de journaliste est aujourd'hui la cible de nombreuse critiques et ces dernières ne sauraient être balayées d'un revers de main au vu de l'effrayante facilité avec laquelle les fausses nouvelles peuvent être relayées par des médias pourtant censés s’assurer de la véracité de ces informations, sans oublier une pseudo-objectivité venue couvrir un traitement pour le moins partial de l'actualité politique.
Ajoutons à cela l'uniformisation encouragée par les prestigieuses écoles qui visent à former les futurs professionnels du milieu, ce qu’illustre à merveille le témoignage de François Ruffin dans "Les petits soldats du journalisme".


Toutefois, il ne faut pas oublier à quel point la fonction du journaliste est essentielle pour la vitalité démocratique de notre pays. Celle du travail d'investigation visant à dévoiler les malversations et affaires de corruption qui émaillent les circuits économiques et le fonctionnement de nos institutions l'est tout autant.
Outre la dangereuse précarisation de ce métier et le rachat des principaux organes de presse par les individus les plus fortunés, il faut rester extrêmement vigilant vis-à-vis des initiatives juridiques susceptibles de réduire la liberté d'expression et les possibilités d'informer, ce qui inclut des prérequis comme la protection des sources.


Cette question s'est posée notamment lors de l'adoption de la norme « Secret des Affaires » par l'Assemblée Nationale le 14 juin 2018, ce qui n'a pas manqué d'alerter la sphère journalistique.
Plus récemment, la loi contre les « fake news » a suscité la controverse à cause du caractère très vague de ce que le texte considère comme une fausse nouvelle, soit « toute allégation ou imputation d'un fait, inexacte ou trompeuse ». Ce flou artistique accroît les risques de censure. Des propositions visant à remédier à des dérives belles et bien avérées peuvent ainsi se muer en fausses bonnes idées et engendrer d'autres complications.


Au vu de l'extrême vulnérabilité des lanceurs d'alerte et des risques qui pèsent autant sur les journalistes que sur leurs potentiels informateurs dès lors que les dossiers traités sont particulièrement sensibles, il est primordial de ne pas davantage entraver leur travail. La position des enquêteurs venus troubler la quiétude de personnes influentes est déjà très fragile.
Les risques liés à la profession et les effets délétères de la criminalisation du journalisme sont parfaitement mis en exergue par le livre collaboratif "Informer n'est pas un délit", mais bien d'autres exemples peuvent être invoqués.


La bande-dessinée "Sarkozy – Kadhafi : Des billets et des bombes", qui fait entre autres suite aux travaux de Fabrice Arfi à Mediapart et ceux de Benoît Collombat à France Inter, revient sur le scandale d'État lié au financement de la campagne présidentiel de Nicolas Sarkozy par le dictateur Mouammar Kadhafi et les sordides motivations derrière l'intervention française en Libye, avec les conséquences désastreuses qu'on connaît aujourd'hui.
Le lecteur ne peut qu'être interpellé par les révélations édifiantes de cette BD reportage, mais ce qui frappe plus encore tient à l'implication des hautes sphères du pouvoir dans cette sombre affaire, de l'ancien ministre de l'Intérieur Claude Guéant à Bernard Squarcini aux renseignements intérieurs, sans que les éminences grises n'aient été particulièrement inquiétées par la justice. Certains témoins clés, à l'instar de l'ancien ministre libyen Choukri Ghanem, noyé dans le Danube, n'ont pas bénéficié de la même immunité.


Le journaliste Roberto Saviano, à l'origine de "Gomorra", qui décrit les rouages de la mafia napolitaine (la Camorra), doit à présent vivre sous protection rapprochée permanente, étant donné le risque qu'on attente à sa vie. Les informations qu'il a délivrées sont pourtant d'une importance capitale.
Il en va de même pour le travail de Philippe Pujol, prix Albert-Londres 2014, avec la série d'article « Quartiers shit » et l'ouvrage "La fabrique du monstre", résultante de dix années d'enquête sur les trafics sordides et le clientélisme gangrénant la ville de Marseille.


C'est pourquoi il faut impérativement lutter contre les entraves à l'exercice du travail journalistique, qu'elles découlent d'une caméra arrachée par un élu ou plus généralement des décisions motivées par les liaisons dangereuses entre milieu politique et activités criminelles.

Wheatley
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le 1 oct. 2020

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