Inner City
6.9
Inner City

livre de Jean-Marc Ligny (1996)

J'ai bien fait de m'entêter à lire du cyberpunk, j'ai fini par en trouver un qui m'a plu ^^

Contrairement aux archétypes du genre qui noient le lecteur sous une rédaction indigeste et une pléthore de détails techniques dont plus personne ne se soucie depuis des lustres dans ce genre-là, – et même, déjà, à l'époque où ce roman fut écrit – Jean-Marc Ligny centre son récit sur les gens et les événements pour nous pondre un récit accrocheur et incisif qui se veut miroir de notre présent et y réussit. Alors on pense aux critiques sociales d'œuvres de renom telles que Tunnel d'André Ruellan ou Le Travail du furet à l'intérieur du poulailler de Jean-Pierre Andrevon, voire à Pierre Pelot ou encore à Philippe Curval ; et c'est là qu'on se dit qu'Inner City s'intègre parfaitement au paysage science-fictionesque français : l'auteur dissèque allégrement une douloureuse actualité faite de banlieues livrées à elles-mêmes, de survivants de massacres de tchètchènes, de serial killers, d'anciennes générations paumées devant la technologie galopante et de nouvelles générations tout autant paumées, voire davantage, devant cette même technologie mais pour des raisons radicalement opposées et peut-être pires...

Ligny ne tombe pas dans le piège de l'exotique facile : si on excepte un court passage aux alentours de la Corée, le coin le plus éloigné du lieu principal de l'intrigue – outre le cyberspace – n'est que la côte bretonne, comme quoi ce n'est pas la peine de partir à Chiba ou dans je ne sais quelle colonie orbitale pour dépayser le lecteur – encore que certains d'entre vous trouveront peut-être ça banal mais comme je n'ai jamais mis les pieds en Bretagne... ;] Les personnages sont nombreux et ont pratiquement tous leur originalité : le hacker porte un rôle de victime qui ne laisse pas indifférent, sa « poursuivante » principale le talonne pour des raisons pas toutes professionnelles, le patron de celle-ci est une belle ordure à sa façon même si c'est surtout un autre produit du système, le tueur hantant les réseaux tente désespérément de fuir un passé qui l'a pourtant rattrapé depuis longtemps, la figure de proue des racailles banlieusardes est une anthologie du genre,... Les incursions dans le cyberspace se passent des descriptions laborieuses et contemplatives qui alourdissent le récit et vont directement au cœur de l'action en octroyant ici et là les détails juteux pour poser l'ambiance vite fait bien fait, avec succès ; on a même droit à la visite mémorable d'un bordel virtuel qui esquive savamment l'obscène et l'humour gras à travers une imagination et un comique de l'absurde proprement étonnants.

En bref, Ligny nous livre ici un cyberpunk affranchi de ses défauts récurrents (style insipide, narration hystérique, hypertechnologie exténuante,...), car parvenu à maturité en dépassant le stade du techno-thriller amélioré, pour nous proposer au final un roman non seulement en prise directe avec le réel – ce qui est une des marques de la science-fiction de qualité – mais aussi passionnant à lire, tout simplement – et c'est bien ce que la plupart des lecteurs recherchent. Si comme moi les classiques « cyberkeupons » vous endorment, procurez-vous ce Jean-Marc Ligny dans les plus brefs délais, il vous donnera certainement une autre vision de ce genre bien particulier...
LeDinoBleu
7
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le 22 déc. 2010

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LeDinoBleu

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