On lira les courtes 138 pages de "nsoupçonnable" avec autant de curiosité que d'exaspération, ce qui, en soit, est au moins la garantie d'une lecture "utile" : car ils sont finalement peu nombreux les écrivains qui se risquent à soumettre un genre codifié (ici, le polar) à l'épreuve de l'expérimentation (ici, l'écriture), sans en briser les règles pour autant. Car Tanguy Viel, pour soigner son style - phrases interminables véhiculant images et sensations plutôt que simples informations -, n'a pas négligé son "énigme policière" (certes simple, mais loin d'être anodine), ni sa construction dramatique (suspenses et coup de théâtre final, comme dans tout thriller qui se respecte). Alors, l'exaspération ? Peut-être naît-elle seulement de ce dilemme que nous vivons, nous lecteurs, entre "vraie littérature" et "polar de divertissement", qui se transforme même par instants un tiraillement douloureux. Ou peut-être du fait que Viel n'arrive pas au final à transcender son exercice de style pour nous livrer une vérité humaine plus profonde. Car "Insoupçonnable" n'est bien qu'un jeu, malin mais gratuit. [Critique écrite en 2009]