Jacques Généreux explique l'économie à tout le monde par Bung

Le débat politique actuel tourne franchement à la gabegie, voire à la plus improbable des propagandes. Il faut voir par exemple les émissions télés et radiophoniques dites "mainstream" pour s'en rendre compte. Le plus édifiant étant les émissions style Les Grandes Gueules (sur RMC), qui, malgré son nom, ne défend pas moins que les thèses libérales que nous entendons déjà partout. Ce qui, pour des "grandes gueules", est plus amusant qu'autre chose....


Tout cela pour montrer à quel point le débat est sclérosé, tellement pollué par des idées fausses défendues par ces réseaux, réseaux qui se croient rebelles alors qu'ils ne font que défendre le système, sans la moindre nuance.


Malheureusement, l'un des problèmes majeurs est que la discipline, pourtant essentielle dans le fonctionnement de la société est une discipline extrêmement difficile à aborder. Du coup, lorsque les discussions portent sur le fond du problème, comme faire comprendre que le problème vient des banquiers et non des immigrés, ça s'enlise, et le citoyen qui n'en maîtrise pas les canons est complètement perdu... Et, par conséquent, abandonne le débat.


Jacques Généreux a donc pris son courage à deux mains, et à partir des questionnements de "Monsieur Tout Le Monde", vous et moi en somme, rédigé des réponses qui, vous le verrez rapidement, se transformeront en une sorte de cours sur les bases de ce qu'est la science économique, et à partir de quoi les petits chiens de garde construisent et fabriquent l'opinion. Ici, point d'explication alambiquée sur les instruments financiers ni de prise de bec sur les chiens de garde du système, l'objectif affiché est de déconstruire les mythes "néolibéraux" (un abus de langage, comme vous l'apprendrez au cours de la lecture de ce livre) qui s'incrustent bon gré mal gré dans le cerveau des spectateurs.


Sa plume est plutôt vivante, c'est agréable à lire, on sent le prof derrière. Une ou plusieurs questions sont posées par Monsieur Tout Le Monde, une réponse plus ou moins riche y est apportée en fonction des besoins. Premier tour de force: réussir à vulgariser des thématiques plutôt complexes. C'est clair, vivant. Evidemment que parfois, c'est plutôt lourd, il faut prendre le temps de digérer tout ce qui a été écrit auparavant. D'énormes efforts sont faits pour rendre tout cela accessible malgré tout. Deuxième tour de force: c'est riche, énormément de thématiques sont abordées, il prend même le temps de faire un peu d'histoire pour poser les bases. Rien à dire sur la forme, puisqu'elle fait ce qu'elle doit faire, c'est-à-dire rendre le fond accessible.


Et celui-ci, un tant soit peu évidemment que le thème vous plaise, est copieux. D'un peu d'histoire, nous passons à la défense des thèses néoclassiques (ou, autrement dit, "néolibérales", ce chapitre étant d'ailleurs le deuxième point fort de ce livre - j'y reviendrai), à l'explication sur la dette, le déficit, l'euro, l'équilibre des prix et du marché, l'inflation, bref toutes les thématiques rabâchées par les médias mainstream en citant des "experts" qui n'en sont pas vraiment (voir le documentaire "Les Nouveaux Chiens De Garde") sans que ceci fassent un réel effort d'explications sur ce quoi ils parlent.


Il est d'autant plus délicieux que Jacques Généreux, conseiller économique de Jean-Luc Mélenchon par ailleurs (au moment où j'écris ces lignes), ne tombe pas dans le piège de la caricature. Il aurait très bien pu dire que les néolibéraux c'est de la merde et déballer le programme du Front De Gauche, se gausser de leur bêtise (à juste titre) avant de passer le manuscrit à l'éditeur. Mais non. Il construit son livre en défendant d'abord les "néoclassiques", afin de mieux déconstruire leur discours ensuite (excellentissime chapitre sur "L'Homo Economicus", où l'on apprend que les "néoclassiques" basent en fait leurs théories sur une construction purement arbitraire de l'être humain).


Il n'y a ni méchant ni gentil dans ses écrits, juste des confrontations d'idées. Ces nuances apparaissent régulièrement, comme lorsqu'il dit, par exemple, que la question n'est pas forcément "de supprimer le marché" et la concurrence, mais de "simplement" trouver un équilibre entre tous les éléments composants les thèses économiques en fonction de leur utilité pour la société et en partant du réel, contrairement aux "néoclassiques" qui fabriquent un fantasme en tentant d'y fourrer tant bien que mal le réel.


Il est également possible de voir quelques convergences entre lui et d'autres économistes dits "de gauche", comme lorsqu'il dit que c'est la guerre qui fait des hommes des tueurs, reprenant ainsi la thèse de Frédéric Lordon défendant l'idée que que c'est le système qui oriente et "force" les gens à se comporter d'une certaine manière.


Des défauts apparaissent bien sûr. Déjà la densité du livre n'aide pas. C'est très lourd, du fait de la thématique. Jacques Généreux fait énormément d'efforts pour lisser son discours et rester le plus compréhensible possible. Ensuite, si il fait les réponses, il fait aussi les questions, et ses préoccupations propres, et donc pas forcément celles de "Monsieur Tout Le Monde", ressurgissent de temps à autre. Ce qui donne parfois des questions pas forcément "proches" des préoccupations du citoyen lambda. Enfin, ses arguments sur le maintien dans l'Union Européenne me semblent un peu légers. Nous pourrions franchement le bousculer sur ce point là.


Ce sont des défauts sans importance. Parce que, au fond, vous aurez un excellent cours pour apprendre les bases sur l'économie, pointu, riche, qui se lit sans (trop de) peine, lecture indispensable d'autant que nous empruntons au jour d'aujourd'hui un virage politique d'une rare violence, et nous avons franchement besoin de ce genre de livres pour nous aérer l'esprit et, accessoirement, nous boucher plus efficacement les oreilles devant tant de bêtises débitées par les médias mainstream et leurs pseudos experts vendant leur soupe pour complaire à leurs patrons du CAC 40.

Bung
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le 1 mai 2015

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