Critique de Shaynning

Incontournable Février 2025

La sympathique maison Alice nous propose cet album aux couleurs vibrantes sur un thème d'école qu'on a tous expérimenté: La sélection d'équipe. Si vous étiez relativement sportif ou considéré "joli.e." , fort à parier que vous étiez dans les premiers, mais à l'inverse, vous étiez les pauvres laissés pour conte choisis en dernier, avec ce sentiment désagréable d'être "de trop". Et si nous avions affaire à une prof plus rusée qu'elle en a l'air?

La professeur girafe amène sa classe à l'extérieur pour une activité dans le parc. Évidemment, quand elle affirme avoir besoin de deux capitaines d'équipe, tout le monde lève la patte. C'est Zéphyr le kangourou et Julia la tigresse qui sont choisis. Les capitaines commencent par sélectionner les animaux les plus gros et les plus rapides, comme Bob le guépard, Zaza l'éléphante ou encore Chany le gorille. Mais on se partage un peu à contre-coeur Max le crocodile, Sandy l'otarie, Greg le manchot ou Léonie l'alpaga. Quand il ne reste plus que Patty la mouche et Jack le caméléon, Zephyr et Julia s'Insurgent: Ils ne veulent PAS des deux plus petits animaux. L'enseignante demande donc à Patty et Jack de former une troisième équipe. Et alors, elle annonce la nature de l'activité: Il s'agit d'un...cache-cache!

Heh misère que ça m'évoque mon enfance. Mais quelle tournure, cela-dit, c'est fameux! Cette professeur savait ce qu'elle faisait, clairement, car loin de se formaliser de l'attitude absolument inélégante des deux capitaines, elle a simplement choisi de faire passer son message par une prise de conscience concrète. Car, vous vous en doutez, Patty et Jack sont introuvables au cache-cache. Vous aurez d'ailleurs l'occasion de les chercher dans le léger cherche-et-trouve de la page finale.

Oh douce revanche que cette finale! le non-verbal des personnages ajoute d'ailleurs à ce renversement de ton. Au début, on voit nos deux capitaines avec les personnages "vedette" tous fiers et confiants, avant de voir les laissés pour compte, avec des mines basses déconfites et contrites, comme si elles et ils savaient pourquoi ils étaient choisis en dernier. C'est particulièrement vrai avec les deux avant derniers, Hugo le tatou et Yvon le koala, alors que Zéphyr et Julia ont l'air affligés par la perspective de devoir les choisir. Voir les deux derniers, Patty la minuscule mouche et Jack avec sa queue torsadée, le sourire à l'envers, suscite la compassion. D'ailleurs, on voit une parenthèse temporelle où on voit Patty tenter de soulever un ballon de basketball au moins cinquante fois plus gros qu'elle, la tête rouge par l'effort et les dents serrées. Pauvre petite chose! Au moins, Patty et Jack ont l'air contents d'être une équipe à eux deux. Quand la prof annonce l'activité, Julia et Zéphyr sont catastrophés ( littéralement roses de choc). Dans la page finale, on voit tout le monde très stressé, cachés au mieux au vue de leur gabarit, alors que Patty et Jack sont sereins, bien cachés et confiants. Les réactions sont tout simplement épiques.

Donc, que sous-tend cette histoire? Que la "force", c'est subjectif. Chacun.e des animaux possède ses forces et ses limites, la taille et la puissance ne sont pas des avantages dans toutes les situations, alors que le camouflage et la taille réduite peuvent être des avantages dans certaines situations. Un thème fréquent que celui des forces complémentaires, mais j'aime beaucoup que ce soit dans un contexte où la discrimination est aussi flagrante et que la situation est quand à elle très fréquente. Faire choisir les camarades par d'autres camarades, ça donne ce genre de hiérarchisation superficielle, où les sportifs sont choisi dans les sports, les intellos dans les quizz ou les populaires dans les équipes générales. Rien ne vaut la pige, finalement.

Je mentionne avoir trouvé ça et là des contre-stéréotypes dans le graphisme. Zaza l'éléphante est une fille, mais c'est LA plus forte du groupe ( plus forte que le directeur, un hippopotame). Chany le gorille est un garçon qui porte un chandail rose avec un coeur.

Bref, je sens que ça va résonner chez nos professeurs en librairie jeunesse et j'anticipe déjà les "oh oui, on connait ça!". En tout cas, je pense que ça fera assurer sourire et c'est un excellent album pour parler du vivre ensemble scolaire.

Pour un lectorat préscolaire, 4-5 ans+