Critique de Shaynning
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Dans ce petit livre en vers libres, dont les mots sont des pièces découpées réorganisées à la manière d'une lettre anonyme, on traite de la peine d'amitié, qui implique d'aussi gros deuils que les relations amoureuses, chez les adultes, mais aussi chez les enfants.
Notre narratrice déménage loin, sur la Côte-Nord ( pour les européens, c'est une région au Nord-Est du Québec, très haute et à environ 6h de Montréal). Non seulement elle expérimente la perte de tous ses repères, son foyer, son cercle social et son milieu, elle doit aussi composer avec son amitié compromise.
De ce qu'on en comprend, elle et sa meilleure amie le sont depuis un bon moment et ça semble constituer leur première "grande amitié" de part et d'autre. On comprend que leur relation est complice, remplie de plaisir et d'intérêts communs. Elles ont bâtit quelque chose de sain et de plaisant et maintenant, leur lien est compromis par la distance. Notre narratrice se sent isolée et seule, et c'est avec ces petits mots coupées et organisées qu'elle externalise.
Si on parle volontiers de peine d'amour, on oublie de parler des peines d'amitié, peut-être parce que l'amour conjugal occupe beaucoup de place dans la fiction comme dans la vraie vie. Néanmoins, la peine d'amitié peut causer la même souffrance psychologique et engage le même processus de deuil que le deuil amoureux, psychologiquement et même physiquement.
Lentement, mais surement, la narratrice va apprendre à vivre sans son amie, mais elle espère encore pouvoir entretenir son amitié. Les choses vont changer quand elle reviendra la voir, des mois plus tard. Entre elles, il y a des silences, des blancs entre les mots, plus ou moins de plaisir. La relation n'a pas évoluer entre temps, mais elles, si. La narratrice prend conscience qu'elles ont changé et que leur amitié ne semble pas survivre aux changements dans leurs vies. Peut-être est-il temps d'aller de l'avant.
Ce que j'ai trouvé beau dans cette fin ouverte, c'est que la narratrice semble vouloir garder le souvenir de cette amitié précieusement dans son sac-à-dos de vie. Même si les amitiés prennent parfois fin, ce qu'elles ont amené en terme d'expérience et de bon temps reste important. Les amitiés nous façonnent, elles nous font grandir et demande beaucoup de choses: les compromis, la communication, la confiance, le partage, etc. Ce qu'elles laissent comme traces sur nous est majeur dans la construction de notre identité, le développement de nos champs d'intérêt et de nos compétences sociales. Surtout, on apprend à se connaitre soi-même dans les amitiés. Donc, même terminées ou avortées, elles demeurent notables dans notre cheminement. De plus, comme le dit le titre, savoir qu'on peut survivre aux peines d'amitié et que d'autres suivront, constitue un apprentissage en soi. Le mouvements , ces "migrations", que ce soit d'un endroit à l'autre ou d'une humain à une autre, sont normaux et nécessaires.
Je remarque l'impression de clivage entre les deux personnages. La narratrice semble prendre beaucoup de temps à cogiter sa peine, sans porter attention au monde nouveau autours d'elle. C'est différent, partout, mais on ne sait pas trop pourquoi.
Côté texte, c'est épuré, le registre émotif est facile à comprendre et les termes accessibles. Je pense que les non-initiés à la poésie ne devrait donc pas avoir trop de mal à comprendre les thèmes et le ressenti du personnage.
Un beau petit livre sur un thème encore peu exploité ( ou du moins rarement en tant que thème central) à travers une fresque d'émotions et de petits mots découpés, qui s'ouvre sur l'espoir et des rencontres nouvelles.
Pour un lectorat intermédiaire du troisième cycle primaire, 10-12 ans
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Créée
le 23 sept. 2023
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