[Avertissement : cette critique est le sixième épisode d’une étude sur Que serai-je sans toi ? de Guillaume Musso. Pour plus de clarté sur le projet :
http://www.senscritique.com/liste/Musso_parce_qu_il_le_vaut_bien/500931 ]
I. Un projet d’envergure.
E. Une littérature didactique
Ayons de la considération pour le lecteur de M. Musso. Assailli par les vagues de la méditerranée et les jets de sable du mioche de la serviette d’à côté, les arrêts du métro toutes les 35 secondes, les annonces de service dans l’aéroport où il attend son vol vers un Club de vacances avec buffet à volonté, soirées déguisées et karaoké à gogo, sa lecture n’est pas de tout repos. Un roman de gare doit par conséquent être facilité dans sa lecture. On peut dès lors remarquer la bienveillance profonde de l’auteur qui n’aura de cesse de rappeler, au fil des pages, les enjeux fondamentaux de son récit. Dans les séries de TF1, chaque épisode commence par un rappel des précédents. Dans les programmes télévisés, un petit encadré « Si vous avez manqué le début » est d’une aide précieuse pour le téléspectateur désemparé par les méandres du récit de Joséphine, Ange Gardien. M. Musso s’est semble-t-il inspiré de ces diverses techniques pour jalonner son parcours narratologique.
Afin d’être assuré que le lecteur a bien saisi les enjeux et les retournements identitaires de ses personnages, le point de vue interne, à focalisation variable, nous permet de ponctuelles séances de révision.
« Mais à présent les choses avaient changé. Ce n’était plus le voleur génial qui le fascinait, c’était le père de Gabrielle (1) et l’amant de Valentine (2). » (p. 172)
« Puis… Elle pleura toutes les larmes de son corps (3), convaincue que sa naissance avait bousillé quatre vies. Celle de sa mère d’abord, puis celle d’Archibald injustement envoyé en prison. La sienne ensuite, orpheline solitaire et maussade qui n’avait jamais vraiment trouvé sa place nulle part. Celle de Martin enfin, qu’elle avait fait souffrir malgré elle.(4) » (p. 186)
« La veille, par un curieux concours de circonstances (5), les deux hommes les plus importants de sa vie avaient refait surface au même moment.
Aujourd’hui, elle était bien résolue à ne pas les laisser repartir.
Elle espérait seulement ne jamais devoir faire un choix entre les deux… (6)» (p. 187)
- « Mais… pourquoi es-tu revenu, alors ? J’ai retrouvé mon père il y a quelques heures à peine et il faut déjà que je le quitte ! Pourquoi tu m’infliges ça (7) ? » (p. 216)
(1) Au cas où, à la p. 172, donc, nous aurions oublié ce qu’on nous avait expliqué dès la quatrième de couverture.
(2) Explication : Valentine est l’amour de la vie d’Archibald, morte (ou du moins c’est ce qu’on nous fera croire, mais vous êtes maintenant au courant) en donnant naissance à Gabrielle, parce qu’elle refuse d’avorter, ce qui pourrait la sauver. Pour enfoncer le clou et faire comprendre que l’avortement n’est vraiment pas une option, même de dernier recours, M. Musso nous gratifie du passé obscur de Valentine, avant Archibald, durant lequel elle s’amourache d’une violente star du rock qui l’obligea à avorter.
Deux fois.
(3) Encore une formule à rattacher au désir profond de ne pas brusquer le lecteur par des hyperboles innovantes et audacieuses.
(4) Ce paragraphe, qui pourrait à lui seul faire figure de quatrième de couverture, est un parfait condensé du roman. On pourrait l’intituler Musso pour les nuls.
(5) Vous apprécierez l’ironie du propos.
(6) Remarquez que nous sommes une page après l’extrait précédent. Il s’agit vraiment d’un passage capital.
(7) Au vu du style, le lecteur se pose la même question.
L’explicitation est aussi valable pour les symboles psychologiques, mais nous aurons l’occasion d’y revenir :
« Se maquiller, toujours. Pas pour se faire belle, mais pour se cacher. » (p. 173)
Le roman de M. Musso est donc un produit performant, un pack full HD remplissant efficacement les objectifs qui lui ont été assignés, soucieux de s’adresser au plus grand nombre par sa clarté et son registre didactique.
A la lumière de ces considérations, on peut le conseiller à un lectorat à partir de sept ans.
Dans l'épisode suivant, nous aborderons la deuxième grande partie, consacrée au style :
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L'intégralité de l'étude :
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