Je viens m’a intrigué dès les premières lignes de sa quatrième de couverture. Je ne savais pas où allait me mener cette histoire, mais j’en aimais déjà les contours.
Je viens… Tantôt menace, tantôt lassitude, tantôt jouissance… ce titre posait, dès les premiers instants, l’atmosphère si particulière de ce roman aussi inattendu que passionnant. Je ne connaissais pas cette auteure et c’est avec beaucoup d’impatience que j’ai plongé dans cette nouvelle lecture.
Le plus surprenant selon moi c’est cette mise à nue…ce déballage de sentiments, de ressentis. Cette honnêteté en fin de compte, qui pique, qui énerve, qui émeut et qui nous fait sourire. Tout n’est que vérité et authenticité dans ce roman.
La plume d’Emmanuelle Bayamack-Tam est surprenante. Souvent directe, crue et incisive, elle sait pourtant s’arrondir et se faire délicate quand il se doit. L’auteure ne mâche pas ses mots et sait appuyer là où ça fait mal, puis panser la plaie aussitôt fait.
Avec Je viens, nous plongeons au sein d’une famille qui n’a rien de banale… jusque dans ses bas-fonds… au cœur de son âme.
Le lecteur perçoit rapidement la souffrance des protagonistes. Divisé en trois parties, Je viens creuse en profondeur chacun d’entre eux et offre au roman une dynamique toute particulière. Chaque point de vue permet ainsi au lecteur de percevoir les ressentis, la profondeur des êtres, les incohérences parfois, les mensonges…Tout nous est dévoilé dans les moindres détails.
Nous débutons donc le roman avec Charonne, qui parle sans barrière, sans entrave avec beaucoup de lucidité. Sa vie n’a rien de tendre…et malgré les peines qui se succèdent, elle semble déterminée, malgré tout, à conserver cette confiance inébranlable en toute chose. Elle se raccroche à ce qu’elle peut…elle tente d’avancer malgré le rejet des uns, la noirceur des autres…
Viennent ensuite Nelly, la grand-mère et Gladys, la mère adoptive de Charonne.
Nelly est le « refuge » de Charonne. Elle fait figure de douceur et d’amour dans un climat familial quelque peu hostile. Pour autant, ce personnage n’est pas aussi lisse que le lecteur pourrait le penser au tout début du roman. Elle, naguère si belle et convoitée, est aujourd’hui contrainte de vivre avec l’image vieillissante que le miroir lui renvoie chaque jour. Elle se flétrie…et ne le supporte pas vraiment.
Galdys, la mère adoptive de Charonne est quant à elle, l’un des personnages les plus complexes et torturés de cette histoire…D’entrée de jeu le lecteur aura l’opportunité de constater que cette femme est assez »particulière »… Il oscillera d’ailleurs rapidement entre dégoût et pitié.
Je viens possède sa propre atmosphère…brutale…sincère…trash parfois. Si bien que vous vadrouillez dans un univers malsain où se côtoient infidélité, agressivité, racisme, aigreur, érotisme, désamour, déception, vanité, désillusion…à vous en donner la nausée ! Et au milieu de ce capharnaüm sans nom, une petite lumière résiste et scintille…fragile et délicate malgré les apparences, elle s’accroche et nage à contre courant.
Je viens piétine le mythe de la famille parfaite et décortique les non-dits, les faux-semblants, les postures et le protocole qui peuvent gâcher des vies en donnant naissance à des tonnes de remords ou de regrets. Il invite le lecteur à raisonner, à se remettre en question. Il bouscule les codes et prend plaisir à le faire.
En conclusion : Ce livre a été une étrange lecture…dérangeante, captivante, malsaine et pourtant tellement puissante. Je viens ne fait pas dans la demi-mesure et paradoxalement, ce livre donne du baume au cœur. Sous ses airs torturés, il permet cependant de reconsidérer les choses et de les voir sous un angle différent. Le bonheur, la vie, la famille, les relations avec autrui, nos choix, nos rêves…tout y est abordé avec beaucoup d’intelligence et de talent.
Je vous recommande vivement cette lecture et je sais que j’y reviendrai également !