Et voilà le grand et long voyage en compagnie de Christophe qui s'achève. Un voyage qui a débuté avec "L'aube" et meurt avec "La nouvelle journée", une fin pleine d'espérance dès son titre.
Un personnage que l'on suit dans ses bonheurs et ses épreuves pendant dix tomes ne peut guère laisser le lecteur indifférent. Comme dans une existence réelle, passages actifs et passages passifs se succèdent, l'intérêt va et vient mais l'attachement et la curiosité sont déjà là, bien ancrés, et mènent à l'issue.
Grande oeuvre romanesque de Romain Rolland, "Jean-Christophe" séduit par sa philosophie, par sa sociologie et son analyse politique d'un temps qui vient mourir telle une vague amère aux pieds de la Première Guerre Mondiale ; un conflit que l'auteur prophétise à défaut de pouvoir en définir précisément les contours :
"L'incendie qui couvait dans la forêt d'Europe commençait à flamber. On avait beau l'éteindre, ici ; plus loin, il se rallumait ; avec des tourbillons de fumée et une pluie d'étincelles, il sautait d'un point à l'autre et brûlait les broussailles sèches. À l'Orient, déjà, des combats d'avant-garde préludaient à la grande Guerre des Nations. L'Europe entière, l'Europe hier encore sceptique et apathique, comme un bois mort, était la proie du feu. le désir du combat possédait toutes les âmes. À tout instant, la guerre était sur le point d'éclater. On l'étouffait, elle renaissait. le prétexte le plus futile lui était un aliment. le monde se sentait à la merci d'un hasard, qui déchaînerait la mêlée. Il attendait."
Nous sommes en 1912. Christophe, héros allemand devenu français par le double vecteur de l'art et du destin, compositeur et musicien de génie portant haut les idéaux opposés des deux grandes nations voisines et ennemies, est un personnage profondément humain et passionné qui aura connu tout ce qu'on peut connaître dans l'existence : amitié, amour, talent, jouissance, notoriété, foi mais aussi honte, solitude, peur, désespoir et souffrance.
Un grand roman d'apprentissage.