Jeannette et le crocodile ne pourra vous laisser indifférent que ce soit pour la manière dont se déroule l’intrigue, ou pour ce qu’elle essaie de mettre en évidence.


Dès les premières lignes, on sent que tout porte vers un point de non-retour, vers une catastrophe imminente, pourtant l’auteure distille avec parcimonie les détails, sans que ceux-ci ne permettent de savoir que la déflagration va tout emporter.


Il y a d’abord Jeannette autour de qui l’intrigue se déroule, petite fille de 10 ans, dont le rêve est de rendre visite à Eléonore, le crocodile du zoo de Vannes. Clap de fin, Blandine, la mère, alcoolique, est tellement imbibé, qu’elle ne peut même pas se lever… Jeannette fait une entrée fracassante dans le monde sans espoirs… Elle grandit, ignorée de tous, sauf de son ami Robinson.


Pascal, l’oncle en maison de repos, que j’ai trouvé très attachants, est l’autre personnage central du récit, comme un repère, une boussole dans un monde à la dérive, alors qu’il est lui-même en marge de la société. Éric, l’ami de la famille, dont le train-train quotidien pèse, bosse dans l’usine locale menacée de fermeture, Valérie, sa femme, dont l’objectif est d’avoir un deuxième enfant, perd son humanité en travaillant dans une banque. À ceux-là, on ajoute le maire et sa femme qui tentent de redonner vie à cette petite ville de province, tout en s’octroyant quelques avantages. Sans que jamais l’autrice n’accuse.


Manipulateur, narcissique et mégalo, Dirck, l’inconnu qui va redonner de l’espoir à tout le monde, va se faire aimer, apprécier, en racontant et promettant, à chacun ce qu’il a espéré entendre.


Face aux aléas de la vie, broyés par un système où le profit devient le mot d’ordre, face à cette vie qui broie chacun des personnages, il n’y a aucun doute sur la finalité.


Séverine Chevalier, en 184 pages, pose des tranches de vie bien noires, comme on peut en voir par moment, qui viennent percuter notre quotidien. Elle raconte, avec émotion ces six années dans la vie de Jeannette, terreau du drame qui se profil, avec beaucoup d’émotion, elle nous bouscule…


Une lente et inexorable descente aux enfers, que l’auteure déroule sur 6 ans… 6 ans, ce n’est rien et c’est tout à la fois, c’est court mais long, c’est le début et la fin…


Les errances des uns face aux espérances des autres, à la vie à la mort le tout sur le fond chaotique de la vie, de la société…


C’est sombre, c’est poisseux, c’est l’inexorable déclin… Mais c’est aussi un roman bouleversant plein d’humanité.

https://julitlesmots.com/2022/10/11/jeannette-et-le-crocodile-de-severine-chevalier/

Ju-lit-les-mots
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le 21 janv. 2023

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