A celles et ceux qui souffrent du mal de mer, je conseille de ne pas embarquer avec le jeune Marlowe, vingt ans, toutes ses dents, aspirant au commandement et soupirant après l'aventure maritime.
Son rêve est celui de tous les marins (par conséquent de tous les Anglais à l'en croire) : naviguer, de préférence vers l'Orient. Et ce rêve n'a jamais été aussi près d'être exaucé puisqu'embarqué sur La Judée, placée sous la férule du capitaine Beard dont c'est le premier commandement, Marlowe se voit confier la lieutenance. Mission : amener à bon port - Bangkok ! - une cargaison de charbon. La feuille de route semble simple à suivre et notre fougueux marin se sent déjà pousser des ailes sauf que La Judée est un rafiot qui prend l'eau de partout et dont le temps sur mer semble révolu...
A travers ce récit qui se déroule exclusivement sur les flots, Conrad rend un hommage à la jeunesse (et comment ne pas deviner qu'il parle de la sienne ?), à la passion et l'audace qui l'animent et à ce goût de l'aventure qui caractérise les jeunes matelots. A travers une succession très rythmée d'aléas, de la tempête à l'incendie, La Judée trimbale sa vieille coque sur l'Océan Indien qui lui réserve une place d'honneur dans le cimetière des naufragés, entre l'Australie et l'Indonésie.
Le style de Conrad est toujours aussi plaisant et bien moins anxiogène que dans son terrible "Au coeur des ténèbres". Attention, jargon de navigation à l'horizon, cela ne convient pas toujours aux marins d'eau douce !