J’ai le verbe froid comme la mort.
J'ai beau lire les critiques, encore et encore... je suis triste. Triste, très sincèrement, d'un livre si mal entendu, si mal compris, qui pourtant au fond de moi est, je trouve, le meilleur de tous les Amelie Nothomb, de par sa pertinence et sa force. Vraiment. J'ai aimé. J'ai aimé au point de le relire, de retenir toutes ces phrases qui percutent et rendent tantôt mélancolique, tantôt poétique l'histoire qui, si elle est toute simple, reste une histoire bien trouvée.
Pourquoi? Je pourrais répondre "ta gueule c'est magique", mais soit, développons un peu, développons Joséphine.
L'histoire commence sur Creep de Radiohead disons. L'ambiance est sombre, triste, mélancolique. Le mec se suiciderait que l'on en serait même pas étonné, mais il arrive à tenir. Il sort d'une relation difficile, une fille, les histoires de coeur, tout ça. On connaît presque tous ça. On peut facilement savoir que c'est pas facile, et on arrive presque à ressentir le fait qu'il soit totalement dégoûté de l'amour, voir même de la vie. Et pour le coup, quand un russe lui demande s'il veut devenir "nettoyeur", ou chasseur de prime selon les termes, il accepte.
Il commence donc à chasser, fait bien son boulot, jusqu'au jour où il faut tuer un ministre et sa famille. Jusque là, pas de soucis. Le souci il arrive bien après. Une fois tous les membres de la famille butés, que reste t-il que... ah oui, une fille. Juste là. Une fille dont il croise le regard et le coup de foudre est instantané.
Il la tuera.
Je crois que c'est le moment "climax" du livre. Quand il a le flingue pointé sur elle, qu'elle le regarde, elle ne l'implore même pas. La scène est magique, magnifique, et forte ! Il y a un quelque chose d'amère, et il la descend.
Les détails scabreux sur comment nettoyer le sang et effacer les traces avec de la neige laissent un sourire, et on oublierait presque par la suite qu'il vient de la buter.
« La cervelle, c'est pire. Les taches de graisse, ça n'a pas de nom tellement ça marque. Le cerveau, c'est du pur gras, et le gras n'est jamais propre. En plus si on n'a pas la tache du premier coup, on peut être sûr qu'on ne l'aura jamais. Tout cela confirme ma métaphysique : le corps n'est pas mauvais, c'est l'âme qui l'est. »
MAIS. Il y a son journal. Il récupère le journal (ce pour quoi à la base il était venu), et le lit.
C'est un véritable viol d'âme. Le fait de lire les mémoires d'une morte qu'il n'a pas connu le bouleverse, le fascine, l'intéresse. Il en tombe littéralement amoureux. Bien sûr il n'a pas de nom, alors il se contentera de Hirondelle, le petit animal qui est venu mourir chez lui.
Par la suite il sera poursuivi par ses employeurs et mourra.
Quand on lit au dos du livre " c'est une histoire d'amour dont les épisodes ont été mélangés par un fou ", il faut SURTOUT s'attarder sur les symboliques du livre. Elles sont le point fondamentale du bouquin.
Le schéma est basique :
- Le mec perd une copine, son job (coursier).
- Le mec n'a plus de vie, plus de sentiments.
- Le mec trouve un job.
- Le mec tue une nana.
- Il en tombe amoureux.
- Il retrouve goût à la vie.
- Il refuse de donner le Journal qu'il chérit plus que sa vie.
- Il décède.
Finalement, quand on y réfléchit, la fin n'est en réalité qu'un début. On tourne en rond, mais dans le bon sens si je puis dire. On suit le cheminement d'un mec qui a fini sans vie, sans nom, sans identité, sans rien, et à la fin, alors qu'il est amoureux, qu'il a envie de quelque chose, il décède.
De même il tombe amoureux après avoir tué la jeune fille de laquelle il s'entiche.
Les prénoms sont également très intéressants. Au fil de l'histoire, il prends des pseudonymes, dont "Innocent", le nom d'un pape, et également "Urbain", également nom de pape. Pourquoi dans le religieux? Aucune idée ne me traverse, mais le fait qu'il soit un tueur avec un nom de pape a un quelque chose de bouleversant, d'autant plus quand il revêt l'identité d'Innocent. Comment peut-il être innocent quand on a tant tué ?
Il le dit lui même, dès le début, annonçant la couleur : « Je venais de vivre un chagrin d’amour si bête qu’il vaut mieux ne pas en parler. À ma souffrance s’ajoutait la honte de ma souffrance. »
Son histoire est bête. Il tue la femme qu'il aimera.
Sa souffrance est une honte : c'est lui qui se l'est lui-même infliger.
Le livre est un ouroboros, un serpent qui se mange la queue, qui se finit dans le tragique, dans le pitoyable, mais c'est tout l'intérêt du livre. Ce n'est pas Acide Sulfurique, il n'y a pas de Happy End. Il n'y a qu'une grande tragédie ridicule. Et non, madame, Amelie n'oublie pas son côté absurde, croyez-moi.
Ce livre est vraiment fini, pensé, réfléchi. S'il est court (et c'est bien dommage), c'est uniquement parce que justement il a été travaillé pour être efficace, et dieu qu'il l'est ! Pas besoin de longues descriptions pensantes. Trois phrases suffisent pour vous donner une idée du sang et de la chaire, de tout ce mélange loufoque et pâteux, parfois vaseux, qu'on nous sert. Mais c'est parfait ! Encore !
Pour ceux qui vraiment doutent encore, pitié, relisez la fin. Relisez-là car, je crois, tout est dit, en une phrase. La dernière phrase résume le livre, et c'est magique :
" Je trépasse main dans sa main puisque j'écris: l'écriture est le lieu où je suis tombé amoureux d'elle. "
Je finirais donc sur une citation qui prends, à mon sens, toute sa valeur, toute son essence, à la fin de la lecture de ce livre :
« On n’est jamais si heureux que quand on a trouvé le moyen de se perdre. »
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