Ce journal est l'oeuvre de Boris qui souhaite y canaliser son "trop-plein de positif" après avoir convaincu un producteur enthousiasmé par son scénario. Un peu présomptueux, notre narrateur va en fait y écrire la chronique de ses déconvenues : le film qu'il a prévu d'intituler "Les servitudes silencieuses" ne va-t-il pas être finalement porté à l'écran sous le titre "De l'eau dans le gaz" ?
Au fil des jours, de capitulation en capitulation devant ceux qui tiennent les cordons de la bourse sans pour autant être habités par un grand sens artistique, Boris va voir son histoire d'amour entre deux accidentés de la vie se transformer en celle de l'amitié entre un industriel et un extra-terrestre qui, non content d'être affublé d'un accent marseillais, a aussi le pouvoir de figer ceux qui l'entourent au moindre de ses pets.
Ainsi résumé, ce 5° roman de Fabrice Caro pourrait laisser penser à une grosse farce agrémentée du sens de l'absurde auquel il nous a habitués. Or
l'humour m'a semblé ici plus feutré que dans ses romans précédents même si Fabrice Caro ne se prive pas çà et là de saillies comiques plus spectaculaires. Fidèle à ses habitudes, l'auteur met en scène un de ces "losers" pour lesquels il éprouve une grande tendresse. La rencontre de cet anti-héros avec une jeune cinéphile donne lieu à de multiples références cinématographiques mais aussi à des malentendus dans lesquels son manque de courage l'enfonce chaque jour davantage, pour le plus grand plaisir sadique du lecteur. C'est avec délectation aussi que l'on goûte l'ironie sur l'élitisme d'un certain cinéma, témoin cet extrait du journal de Boris : "J'adore l'idée de semer de minuscules indices confidentiels qu'un nombre très restreint de spectateurs vont percevoir."
Cinéphile ou pas, on ne peut que saluer une fois de plus le talent singulier de Fabrice Caro.